La Vérité HG Clouzot - 1960
Meilleur film français de procès (facile) et dans le top 5 du genre, je ne voix guère que 12 hommes en colère et Anatomie d'un meurtre qui soient meilleur.
C'est un film de procès original car ici d'entré il est établit qu'il y a eu meurtre et que Bardot est bel et bien coupable, reste à déterminer la préméditation ou pas, donc ici on a clairement pas de suspens ou presque pas, c'est plus une tranche de vie finalement. Clouzot s’est inspiré d’un fait divers jugé en 1953. Mais il a transformé l’étudiante en médecine en jeune fille oisive, et éliminé son passé de femme tondue et violée à la Libération, ce qui change complètement la nature du procès.
On va suivre les pérégrination d'un jeune couple dans la jeunesse parisienne oisive de la fin des 50's ( qui annonce clairement Mai 68 ) via des flashback qui s'insèrent à merveille aux scènes de procès, scènes dominées par un duel savoureux entre Paul Meurisse et Charles Vanel, tout les deux étant à le recherche de la vérité, une vérité qui se révélera forcément plus complexe que prévue, chacun ayant sa vérité que des faits ne suffisent pas à comprendre.
Clouzot choisit donc de montrer ce couple qui va se déchirer sans jamais appuyer sur les fautes des personnages, il a pas besoin d'en rajouter, chacun à tour de rôle sera coupable du mal de l'autre. Une absence de manichéisme appréciable, même si Clouzot veut délivrer un message. Cette femme est coupable d'avance, car elle vit, car elle a lu Simone de Beauvoir (lecture scandaleuse à l'époque) et la victime ne se laisse pas faire " Vous êtes là, déguisés, ridicules, vous voulez juger mais vous n’avez jamais vécu ; jamais aimé. C’est pour ça que vous me détestez, parce que vous êtes tous morts". Clouzot se permet de remettre en cause cette justice aux relents moralisateurs, où le respect des bonnes moeurs est plus important que les règles de droit. Cette critique sociale fait donc penser au Corbeau. Et au détour d'un dialogue il révèle le fossé qui s'est creusé entre les générations : " Mais vous êtes des adultes : vous ne pouvez pas comprendre. Il faudrait que Dominique soit jugée par des jeunes. Je ne dis pas que l’on ait raison : non, nous pensons autrement, c’est tout" et c'est ça finalement le film, le procès d'une génération par une autre.
Dans les points négatif on peut regretter que certains flashback s'éternisent un poil au détriment des scènes de procès tellement sympa à suivre, mais tout est nécessaire pour comprendre la complexité de ce personnage : dépravée cynique ou victime des mesquineries familiales et de la cruauté des hommes.
La réalisation de Clouzot ne fait pas dans l'esbroufe mais une fois de plus on remarque un gros travail sur le montage. Mais il se repose avant tout sur un script parfait avec des dialogues de premier ordre.
Brigitte Bardot en fait je crois que j'avais jamais maté un film en entier avec elle donc le mythe Bardot ça me passe au dessus de la tête et Clouzot décide de jouer un peu avec ( la scène où elle bouge son cul sous les draps sous un air de cha cha ), son personnage de jeune fille insouciante qui choque la morale bien pensante est parfaitement écrit et on croit à ce personnage, l'empathie pour elle fonctionne très rapidement alors qu'elle nous est présentée comme une meurtrière à la morale défaillante, et Clouzot nous la fait apprécier sans utiliser d'artifice grossier, non juste avec un script intelligemment conçu. Elle campe son personnage avec beaucoup de conviction et tout est parfait, gestuelle, diction, mimique, tout colle à ce personnage, même si on peut dire d'elle que Clouzot en fait juste une ravissante idiote c'est pas dérangeant. Samy Frey a le rôle pas spécialement facile de la gentille victime qui se révélera ne pas être si gentille que ça mais jamais on ne prend partie contre lui car il n'a finalement rien fait de mal et son jeu naturel est ici vraiment très bon. Le reste du cast c'est solide mais on retient bien entendu Meurisse et Vanel en adversaire tenace qui jouent juste leurs rôles d'avocat, car une fois le procès terminé ils redeviennent cordial entre eux et le dernier dialogue est d'une sécheresse totale. Meurisse façon pour moi c'est top 3 all time des acteurs français, sa filmo parle pour lui, même si en fait il a pas besoin de jouer, juste être là et ouvrir la bouche suffit pour qu'il capte l'attention.
La fin est d'une noirceur, jusque dans les répliques finales du duo d'avocat et où l'amour mène à la mort. Grand film.
8/10