Le monde, la chair, et le diable, Ranald MacDougall (1959)
C'est le genre de SF post-apocalyptique qui m'a conquis seulement au terme de la bobine. Car il faut dire que le pitch peut se prêter un peu à l'ennui, racontant l'histoire d'un black qui sort d'une mine après 5 jours (détail très important) et qui retrouve le monde vidé de ses habitants. Un air de déjà-vu avec le récent Je suis une légende, mais qui s'avère plus réussi dans son traitement, la preuve qu'avec une réalisation minimaliste et un déroulement intéressant (que je vais développer plus bas), on peut arriver à un meilleur résultat. Et pourtant ce n'était pas gagné, puisque le silence de la première demi-heure est à peine interrompu par les belles sérénades de l'ouvrier qui renvoient à sa solitude, dont j'aime particulièrement celle dans la mine, jouant avec le rythme des pompes à eau (l'acteur Bellafonte est d'ailleurs aussi chanteur, qu'on entend notamment Le coup de l'escalier).
Ce n'est pas que la première partie n'est pas intéressante à suivre, mais j'avais seulement peur que ça ne raconte rien. Imaginez : un mec seul dans une ville vide ... Heureusement que la réalisation est à la hauteur, avec notamment des plans larges, des contre-plongés, et des plans de grue, qui renforcent cette impression d'isolement, et donc donnent du crédit à la douce folie qui s'empare du personnage, à parler tout seul, et faire des choses pour ne pas sentir inutile comme des réparations ou des stockages d'objet, ou simplement se laisser aller ayant le champ libre et pouvant faire fi des anciens préjugés. Tout cela sans sur-explication, la mise en scène des images suffisant largement à en exposer le sens.
Après une thématique de la solitude traitée de façon simple mais efficace, qui renvoie à la première partie du titre, on passe à la seconde partie du film qui développe à la fois la question du racisme, et plus largement, celle de la communauté humaine. Car avec un black et une blanche, les questions posées sont celle de l'amour, de la crainte de l'autre, et de la pérennité. Puis plus loin, avec un troisième larron, outre la question du choix élargie à deux prétendants, c'est toute la civilisation qui est mise en question. Alors rien de compliqué, mais seulement avec une seule femme, un black (mais ça pourrait être une autre ethnie), et un blanc, on sent une tension (sous-entendue sexuelle) se mettre en place, basée sur les non-dits et des explications dont on devine le terme : y a t-il assez de place pour une relation pacifiée à trois ?
Donc contre toute attente, le film bascule vers une Love story qui fait ressortir non seulement le dossier du racisme (question peu traité à l'époque au ciné), mais plus globalement la question de la relation humaine basée sur les différences ethniques. On sent bien les rapports de force en jeu, et les réactions de chacun sont assez justes, répétant un schéma social pré-établi. La femme passe de la crainte, à l'admiration, puis laisse aller ses sentiments avec le black, ce dernier préfère s'effacer et au mieux se mettre à son service, tandis que le blanc semble pouvoir obtenir ce qu'il veut d'elle par le choix réduit dont elle dispose. Dans une telle dynamique, le rôle du conciliateur est aisément devinable. Et c'est peut-être un peu le défaut du film, d'être moins subtil dans son dernier acte. Enfin, la dernière séquence clôt le film avec un duel urbain très westernien, un beau morceau de bravoure qui dans la forme est magnifié par des angles de caméra bien choisis, mais dans le fond le niveau symbolique s'en trouve malheureusement alourdi. Et rien de renversant non plus dans la résolution des conflits, qui est même un peu naïve et utopique, mais inattaquable dans l'intention, avec une belle ouverture sur l'espoir d'une humanité reconquise (le panneau "The beginning").
En conclusion, malgré quelques réserves personnelles comme une gestion du temps qui manque un peu de maîtrise (un exemple, dans la mine, le mec parle tout le temps et n'a jamais soif, un petit détail anodin mais qui me gêne un peu, la preuve aussi que ce film ne tourne pas autour de la survie pure comme les films contemporains du même genre ...), un début qui prend son temps (à raison), et un dernier acte moins subtil, voilà un beau petit film de SF pacifiste et relativement peu connu qui vaut la peine de découvrir. Doté en plus d'une belle réalisation minimaliste exploitant à fond ses rues désertes et apporte à cet effet un petit soupçon de poésie visuelle, et d'une chouette musique concoctée par Miklós Rózsa (bien qu'on a entendu mieux du compositeur).
Ce n'est pas que la première partie n'est pas intéressante à suivre, mais j'avais seulement peur que ça ne raconte rien. Imaginez : un mec seul dans une ville vide ... Heureusement que la réalisation est à la hauteur, avec notamment des plans larges, des contre-plongés, et des plans de grue, qui renforcent cette impression d'isolement, et donc donnent du crédit à la douce folie qui s'empare du personnage, à parler tout seul, et faire des choses pour ne pas sentir inutile comme des réparations ou des stockages d'objet, ou simplement se laisser aller ayant le champ libre et pouvant faire fi des anciens préjugés. Tout cela sans sur-explication, la mise en scène des images suffisant largement à en exposer le sens.
Après une thématique de la solitude traitée de façon simple mais efficace, qui renvoie à la première partie du titre, on passe à la seconde partie du film qui développe à la fois la question du racisme, et plus largement, celle de la communauté humaine. Car avec un black et une blanche, les questions posées sont celle de l'amour, de la crainte de l'autre, et de la pérennité. Puis plus loin, avec un troisième larron, outre la question du choix élargie à deux prétendants, c'est toute la civilisation qui est mise en question. Alors rien de compliqué, mais seulement avec une seule femme, un black (mais ça pourrait être une autre ethnie), et un blanc, on sent une tension (sous-entendue sexuelle) se mettre en place, basée sur les non-dits et des explications dont on devine le terme : y a t-il assez de place pour une relation pacifiée à trois ?
Donc contre toute attente, le film bascule vers une Love story qui fait ressortir non seulement le dossier du racisme (question peu traité à l'époque au ciné), mais plus globalement la question de la relation humaine basée sur les différences ethniques. On sent bien les rapports de force en jeu, et les réactions de chacun sont assez justes, répétant un schéma social pré-établi. La femme passe de la crainte, à l'admiration, puis laisse aller ses sentiments avec le black, ce dernier préfère s'effacer et au mieux se mettre à son service, tandis que le blanc semble pouvoir obtenir ce qu'il veut d'elle par le choix réduit dont elle dispose. Dans une telle dynamique, le rôle du conciliateur est aisément devinable. Et c'est peut-être un peu le défaut du film, d'être moins subtil dans son dernier acte. Enfin, la dernière séquence clôt le film avec un duel urbain très westernien, un beau morceau de bravoure qui dans la forme est magnifié par des angles de caméra bien choisis, mais dans le fond le niveau symbolique s'en trouve malheureusement alourdi. Et rien de renversant non plus dans la résolution des conflits, qui est même un peu naïve et utopique, mais inattaquable dans l'intention, avec une belle ouverture sur l'espoir d'une humanité reconquise (le panneau "The beginning").
En conclusion, malgré quelques réserves personnelles comme une gestion du temps qui manque un peu de maîtrise (un exemple, dans la mine, le mec parle tout le temps et n'a jamais soif, un petit détail anodin mais qui me gêne un peu, la preuve aussi que ce film ne tourne pas autour de la survie pure comme les films contemporains du même genre ...), un début qui prend son temps (à raison), et un dernier acte moins subtil, voilà un beau petit film de SF pacifiste et relativement peu connu qui vaut la peine de découvrir. Doté en plus d'une belle réalisation minimaliste exploitant à fond ses rues désertes et apporte à cet effet un petit soupçon de poésie visuelle, et d'une chouette musique concoctée par Miklós Rózsa (bien qu'on a entendu mieux du compositeur).
Un film de SF post-apocalyptique avec un propos assez intelligent sur la solitude, la communauté, et le racisme, malgré un air de déjà vu. Avec surtout une belle réalisation minimaliste parsemée de petites scènes au fort cachet visuel, voire poétique.