La Horde Sauvage Sam Peckinpah - 1969
La perfection : La perfection caractérise un être ou un objet idéal, c'est-à-dire qui réunit toutes les qualités et n'a pas de défaut. La Perfection c'est Wild Bunch.
"If they move, kill 'em!"
Si j'ai un rapport particulier à Pat Garrett & le Kid, Wild Bunch reste selon moi le film somme de Peckinpah, si on devait citer un seul film de Peckinpah pour le caractériser ce serait sans hésiter celui là. Il a tout dans ce film, tout ce qui fait le sel de Peckinpah, tout ce qui fait qu'il est encore à ce jour une référence et une date dans le cinéma, une influence majeur pour toute une génération de cinéaste.
Peckinpah était un cinéaste à part, sa personnalité suintait à travers ses films, ici il livre un film sur la fin d'une époque (comme souvent avec lui), une époque où la violence était au centre de tout, qu'elle soit collective ou individuelle, le film s'ouvre ainsi sur des gamins regardant un scorpion se faire dévorer par des fourmis, ça annonce la couleur, dans ce monde même les gamins sont sans pitié et que finalement le seul moyen de s'en sortir c'est la violence. Mais plus que ça c'est une école de vie, on vit et on meurt dans la violence, la vision du monde Peckinpah est noire et sa vision de la femme va dans ce sens, ici quand on est plus une enfant on est soit une mère soit une pute, y a pas d'alternative et il va même plus loin dans le message en laissant sous entendre qu'il ne faut jamais tourner le dos à une femme.
Même si le film s'appelle la Horde sauvage, c'est surtout centré sur un héros désabusé qui doit vivre avec les démons du passé, Pike Bishop est meurtri par la mort de sa femme, il vit selon un code de l'honneur et c'est ce code qui lui fait accepter que ce soit son ancien partenaire qui le poursuit, dès le début il nous ait montré comme un homme sans pitié, son cheval piétine une femme, il achève un des ses hommes qui peut le retarder mais il va chercher de se racheter une conscience malgré tout et rarement on aura vu une rédemption funèbre aussi belle et épique, on pourrait disserter des heures sur ce plan final des 4 hommes marchant pour le dernier baroud d'honneur mais que dire à part que ça transpire la perfection. Car si la violence est au centre du film c'est bien l'honneur qui dictera le choix des personnages, bien plus qu'un notion de bien ou mal. Et jamais Peckinpah ne sublime leur héroisme (Dutch se sert quand même d'une femme comme bouclier).
Peckinpah ne fait pas dans la finesse, la finesse c'est pas son truc, c'est outrancier, et ce dès le début, c'est violent, amoral (enfin au premier abord) et l'alcool est au coeur du film comme elle était au coeur de la vie de Peckinpah. Mais comme c'est le cas avec Bloody Sam, ses personnages sont attachants, alors qu'on est devant une vraie bande de tueur, il arrive à nous les rendre attachant, comment ne pas avoir le sourire quand ils décident d'aller sauver leur pote, ça sonne comme une rédemption héroique mais c'est surtout qu'il n'y a aucun échappatoire et ces hommes acceptent finalement leur sort. Et puis on a Thornton qui lui ne peut pas se payer cette rédemption et qui doit accepter de vivre dans ce monde qu'il exècre, il est coincé de partout et accepté nul part (il a plus de respect pour les hommes qu'il poursuit que pour ceux qui l'accompagne). Il subit plus qu'il n'agit, et la prestation toute en retenu de Ryan lui donne une vraie dimension tragique.
Peckinpah avec ce film tire un trait sur la génération Ford/Mann, ici on abat des femmes et ces dernières abattent des héros dans le dos, c'est comme si le western hollywoodien des 50's était une vaste supercherie, que l'héroisme est pas romantique mais funèbre et limite il le fait même en faisant une mise en abyme avec ces personnages qui vont prendre conscience de tout ça, ce sont juste des outlaw, des ratés qui ne sont pas à leur place dans ce monde et quand ils en prendront conscience, il suffit d'un "Let's Go" pour aller accomplir ce pourquoi ils sont doués, tuer, tuer et encore tuer. Et Peckinpah aussi imprime la légende, mais sa légende a lui est la réalité, les héros ne sont pas beaux et sans failles, ils sont ratés, désabusés et plus à leur place. Et seul un final cathartique (comme souvent chez Peckinpah) peut les "sauver" et c'est marrant aujourd'hui de se dire qu'ils reviennent pour sauver leur pote mexicain, il doit pas plaire à Trump ce film.
Si le film a fait date c'est grâce la dimension innovante est surtout prégnante dans les scènes de combat (ralentis, angles multiples, etc…), on avait jamais vu ça avant et il fait des ses scènes d'action des morceaux macabre à la somptuosité graphique, et il y a clairement un avant et après ce film. Et il n'y a pas besoin de s'étendre sur la réalisation tant elle touche au sublime, mais plus que l'action en elle même, monument de virtuosité, c'est tout les moments avant action qui sont grandiose aussi, Peckinpah prend toujours son temps avant le déferlement de violence et ça donne souvent lieu à des plans très classes.
Le film ne serait pas parfait sans ce casting, il y a des films on se dit tient je verrais bien untel à la place de lui, ici on peut remplacer personne. Holden et Ryan 2 figures du cinéma des 50's trouvent ici tout les 2 leur meilleure rôle et pourtant ils ont tout les 2 une énorme carrière remplit de grosses performances mais c'est clairement ici que leur talent explose. Et puis le trio qui suit Ryan, c'est le trio des trognes, Johnson, Borgnine et Oates, on fait pas mieux, on a pas fait mieux et on fera jamais mieux.
Le western crépusculaire était né et le résultat donnait une oeuvre jamais égalé, un film où des salauds sans pitié s'humanisent petit à petit pour devenir des vrais héros. Après si tu veux te toucher la nouille tu peux regarder Blade Runner 2049 mais bon.
"We all dream of being a child again, even the worst of us. Perhaps the worst most of all."
10/10