L'adolescence n'a jamais été aussi singulière et réaliste qu'avec Ken Park. Dans une petite ville paumée et pauvre de Californie, Larry Clark nous montre la solitude et l'ennui d'une bande de jeunes un peu désœuvrée. Voulant marquer les esprits et imprégner directement ce sentiment de malaise dans son film, on se prend dans la tronche une scène de suicide d'un adolescent, se tirant une balle dans la tête. Mais bizarrement, il le fait avec le sourire, comme si ce geste salutaire était le seul accomplissement possible pour combler un vide qui le ronge. Suite à cette scène, le film nous présentera des tranches de vie de 4 adolescents. A l'image du sujet du film, la mise en scène de Larry Clark va droit au but, sans boursouflure ni d'excentricité au contraire de Korinne avec son Spring Breakers ou comme peut le faire un Gregg Araki. On l'aura compris l'adolescence est au cœur du film mais pas que.
Larry Clark pointe le doigt surtout sur le contexte qui entoure cette jeunesse, ce manque de base sur lesquelles ces adolescents peuvent s'appuyer. Et la relation parent/enfant est au cœur de tous ses conflits intérieurs. Claude, petit skateur de banlieue américaine, voit son père le haïr et l'humilier par tous les moyens. Ce dernier étant alcoolique, ayant perdu son boulot depuis deux mois, et étant aveuglé par sa musculation et sa vision rétrograde de la virilité. Peaches, voit son père la couver sans cesse suite à la mort de sa mère. Etant très pieux, il s'est enfoncé dans un évangélisme abrutissant, ce qui notamment le poussera à des excès de violence. Shawn, lui, baise avec sa belle mère, magnifique "house wife". Pour le quatrième larron, Tate, c'est un peu différent. Vivant avec ses grands parents et ayant une multitude d'idées morbides, il va littéralement perdre pieds, jusqu'à ne plus prendre conscience de ses faits et gestes. "Ken Park" ne fait pas que matérialiser les méandres de adolescence mais nous dépeint aussi un monde adulte, en pleine décomposition.
Larry Clark choisit de filmer cette bande séparément. Chaque personnage a ses propres scènes et "Ken Park" n'a quasiment aucune séquences de bandes où l'on verrait les adolescents entre eux, discuter ou vivre, s'amuser. Et c'est cette séparation, ce manque de cohésion qui nous détache un peu du film par moments. Pour Larry Clark, il y a peu d’échappatoires pour s'émanciper. Ces jeunes, ne sourient quasiment jamais, ne sont jamais heureux, ne s'expriment quasiment pas sauf par le biais de la jouissance sexuelle. Et c'est là où Ken Park tire toute sa singularité et son parti pris jusqu'au boutiste avec ses scènes de sexe explicites et non simulées.
Mais malgré cet aspect frontal de la chose, Larry Clark ne présente jamais l'acte en lui même comme quelque chose de gratuit mais plutot seul possibilité de s'épanouir et d’être heureux. C'est notamment, dans cette scène finale de triolisme, magnifiquement filmée, où l'on voit la complicité qui habite ses adolescents. De part ce parti pris, un sentiment de liberté imprègne le film où l'on voit des adolescents ayant perdu toute forme de complexe et pouvant laisser de coté durant un cours instant, leur quotidien morne.