Keep Smiling de Rusudan Chkonia (2011)
Keep smiling est un petit bijou de la jeune réalisatrice géorgienne Rusudan Chkonia qui a bataillé pendant sept longues années afin de trouver les financements nécessaires à la réalisation de son film. Un tournage difficile, gâché à plusieurs reprises par des maris ne supportant pas de voir leurs femmes tournés de nuit, parfois en maillot de bain pour les besoins du film.
L’histoire se déroule en 2010 dans la ville de Tblissi en Géorgie. Nous suivons le destin de plusieurs mères de familles participant à un concours de beauté national élisant la meilleure mère géorgienne de l’année 2010 avec à la clef comme récompenses un appartement et 25 000 dollars.
Rusudan Chkonia s’est inspirée de l’histoire vraie d’une mère de 7 enfants s’étant inscrite à un concours similaire car sa famille, vivant dans un camp de réfugiés, était dans le besoin.
La réalisatrice dénonce le fonctionnement de ce genre de programme diffusé à la télévision géorgienne. Le pays a connu plusieurs guerres d’indépendances, plusieurs familles ont perdu des proches, vivent dans la misère et pourtant les animateurs encouragent les participants à parler de ces évènements tragiques comme d’une chose banale. Pour attirer la sympathie du public on doit utiliser sa peine comme un produit marketing.
Le film ne démarre pas en douceur. La réalisatrice entre directement dans le vif du sujet avec l’une des scènes finales du film. Cette scène nous montre l’état de choc dans lequel se trouvent les protagonistes après la découverte de quelque chose (mais quoi ?). Plusieurs plans rapprochés et gros plans sont utilisés dans un montage rythmé très maitrisé.
On comprend rapidement d’où vient le titre du film : La chanson Baby Keep Smiling de Lou Bega. Chanson que l’on entend dès le début du film avant même l’arrivée des premières images et qui deviendra le slogan officiel de l’histoire.
Il y a un autre plan qui m’a littéralement émerveillé dans ces scènes en introduction : un lâché de paillettes et de ballons sur les mères en train de répéter sur scène. Grâce à la beauté de ce plan je pouvais presque sentir les paillettes sur mes paupières.
Beaucoup de contrastes nous sont présentés de manières formidables : conditions de vie, de travail, la vie et ses difficultés. On ne tombe pas dans la caricature des films ou émissions sur les concours de beauté (américains par exemple) : il n’y a pas de femmes aux formes parfaites, aux vies épanouies, et le plus important, c’est la première fois que je vois dans un film utilisant ce genre de thème des candidates qui ne veulent pas sourire, qui ne voient pas l’utilité d’un sourire dans ce monde où normalement l’apparence est reine. Les mères ne peuvent pas se permettre de laisser parler leur féminité alors que ce concours les y encourage. A aucun moment le spectateur n’envie ces femmes. Ce concours est un prétexte pour connaître ces mères. On sent la rapidité avec laquelle elles doivent gérer leurs vies : scène où elles se trouvent dans la même loge, la responsable leur donne des vêtements à mettre, elles défilent pour prendre le paquet comme si elles étaient une pièce que l’on monte dans une entreprise de travail à la chaîne. Le talent de la réalisatrice se dévoile encore plus lorsque l'on peut enfin voir, analyser l’intégralité des personnages. Parmi toutes ces mères de famille se trouve une candidate au physique parfait, riche, mariée à un homme influent mais sans enfant. J’aurais voulu que l’on se concentre plus sur ce qui ne va pas dans sa vie (sa relation avec son mari dans laquelle elle lui est assujettie) mais je pense que la réalisatrice a dû faire de nombreuses concessions afin de respecter le timing du tournage et la longueur d’une heure et demie de son long-métrage. À la manière de beaucoup de films des frères Cohen (ou Tarantino),
Keep Smiling est divisé en plusieurs chapitres : deux semaines plus tard/ trois jours avant la finale/ La veille de la finale/ La finale. Cette découpe est une très bonne astuce : détourner l’attention du spectateur pour qu’il se concentre plus sur ce qu’il se passe sur la scène et non derrière
Un concours de beauté où la beauté est peu importante, secondaire. La preuve avec une autre scène dans laquelle
Quelque chose qui m’a en revanche vraiment déplu sont les coupes style journal télévisé : le présentateur de l’émission interroge au fur et à mesure les participantes sur les raisons qui les ont poussé à participé à ce concours, sur leurs vies etc. Je pense que ces scènes alourdissent beaucoup trop la narration. Elles caricaturent trop les réactions des protagonistes tout en voulant donner une dimension ultra réaliste au film.
Le casting est formidable avec des acteurs venant principalement du théâtre. On les découvre avec un réel plaisir tout au long du film.
Le film se termine sur une scène
Je conseille
Keep Smiling à tous les amoureux des films à petits budgets que l’on a la chance de découvrir dans de petites salles obscures.
Note : 9/10