ONLY GOD FORGIVES++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++Nicolas Winding Refn (2013) |
7.5/10++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ Proposer un film de cet acabit quand on vient de signer Drive, c’est osé et des plus respectables. Prendre son public à revers, au risque d’en perdre une belle partie, en livrant une œuvre aussi marquée par l’univers des bobines les plus expérimentales de sa filmographie n’est pas à la portée de tout le monde et la preuve véritable que Nicolas Winding Refn n’est pas homme à courber le dos pour contenter le plus grand nombre. Dès lors, il est impossible de prendre Only God Forgives pour autre chose qu’un film sincère. Mais cette singularité, cette intégrité suffit-elle à nous faire oublier l’unilatéralité, le manichéisme parfois maladroit de cet OFNI sans concession, en grande partie oui, mais pas complètement.
En effet, si OGF force le respect quand il délivre à l’écran tout le savoir faire conjugué du réalisateur et de son chef op, qui mettent en place des atmosphères terribles, dotées d’une photographie sans cesse esthétisante, il met toutefois mal à l’aise quant à son propos. Entre quête de rédemption pour les nuls d’un fiston malmené par sa diablesse de mère et dénonciation grossière du tourisme opportuniste dont souffre la Thaïlande, il y a parfois un réel manque de nuance qui se fait sentir à l’écran. A travers ce personnage presque divin tout d’abord du policier, véritable protagoniste du film qui semble le seul légitime à décider qui doit vivre ou mourir et de celui, maléfique jusqu’à la moelle, de cette mère presque satanique, NWR brosse un tableau noir et blanc d’où toute nuance de gris est absente. Si le parti pris est respectable, il peut également épuiser, lorsqu’il est étiré plus que de raison. A ce titre, difficile de réellement s’impliquer lors de scènes presque hors de propos, mettant généralement en vis-à-vis mère et fils à l’occasion de joutes verbales à sens unique dont la matriarche pose les règles.
Attention, louable est l’effort que fait Refn pour proposer une narration complètement hors norme dans son film et aborder des sujets délicats rarement mis en image au cinéma. Mais là où le propos devient un peu problématique, c’est quand il se perd dans des démonstrations gratuites qui déconstruisent des personnages qui n’existent quasiment pas. Je pense bien évidemment à ce personnage de Julian, qui n’est jamais construit par Refn qui prend bien trop son plaisir en lui en mettant plein la tronche. Certains loueront cette volonté de tuer le mythe du driver, je pense pour ma part que c’est un peu maladroit de clamer haut et fort cette idée. Je n’arrive
pas à faire le lien entre OGF et Drive tant les deux films sont opposés. Que Gosling soit le seul trait d’union entre les deux œuvres me paraît un peu mince pour se laisser aller à dire que Refn y détruit ce qu’il a forgé avec son acteur dans son précédent film. Il serait même plus sage de louer les efforts de ce dernier, qui se donne une nouvelle fois à 100% à l’image. Après, on peut juger sa prestation, mais l’intention est présente et non sujette à discussion.
Quand au personnage du policier, incarné par un acteur qui a été propulsé au rang des révélations de cette année, je serai pour ma part plus mitigé. J’ai trouvé son jeu bien trop à sens unique pour que j’y adhère complètement. Il est évident que le fait que je n’ai pas été spécialement convaincu par la métaphore de son personnage n’y est pas étranger. J’en suis même par moment venu à me dire que ce flic intouchable était une projection de Julian qui se laisserait aller à ses états d’âme les plus enfouis, dans son désir de tuer mère et frère histoire de compléter son œuvre. Et si l’on prend le film dans ce sens, alors l’ensemble paraît plus cohérent. Nul doute que pour cerner un peu mieux les différents enjeux, une seconde vision sera nécessaire.
Il est difficile de décortiquer un film aussi personnel qu’Only God Forgives. Cette capacité qu’à Refn à nous interroger, à nous faire écrire pour tenter de comprendre ce qu’il a voulu dire est à elle seule une preuve que cette bobine est dense et peu commune. Ainsi, malgré les réserves que je nourris à propos du traitement que propose Refn de son histoire, je ne peux que me prendre d’affection pour une œuvre aussi totale et assumée, dotée de cette singularité si rare qu'on passe son temps à rechercher en salle aujourd’hui et ce sens de la mise en scène terriblement marqué par l’univers cash d’un homme dont j’attends impatiemment le prochain film.