Ce petit drame familial intimiste pourrait rapidement s'enfoncer dans les facilités, tant il accumule en apparence les clichés du genre : deux jeunes étudiants au trauma similaire, couvés par un père ou bien sur-protecteur (Chris Cooper), ou bien d'une froideur apathique, du moins en apparence (Pierce Brosnan), qui se rencontrent au cours d'un pari idiot, et finissent par se trouver une réelle connexion amoureuse, jusqu'à ce que la vérité éclate. Seulement, l'intrigue évite deux écueils importants, le pathétique et le sentimentalisme, d'abord grâce à une direction d'acteurs (dont je vais reparler) qui tirent le film vers le haut, puis grâce à une tonalité à la fois juste et mélancolique, toujours sur le fil, bien loin de la bluette qu'on nous avait vendu à sa sortie en salles. Le véritable sujet, plus grave, tourne autour de l'absence de l'être cher et du problème de communication qui s'ensuit (notamment entre le père et ses enfants). Ce qui est traduit à l'image par une atmosphère légèrement cotonneuse, avec des personnages qui se dévoilent progressivement sous différentes coutures, dotés d'une écriture plutôt subtile (beaucoup dans le non-dit, les objets offerts au regard, et où chaque action acquiert une portée considérable).
En plus de cela, entre les lignes (on peut difficilement se tromper avec la symbolique de la fin et le clin d'oeil à
American Pie), se dessine un brillant portrait post-moderne de la jeunesse américaine autour du personnage de Tyler, jeune désoeuvré un peu introverti qui peut péter les plombs face à l'injustice, mais se transforme aussi en père de substitution pour sa petite soeur en manque d'attention. Ainsi, si le fil directeur du film repose surtout sur la dynamique des relations familiales qui réagissent différemment selon le drame qui les rassemble, le message développé en filigrane en élargit le propos, s'articule avec la destinée personnelle et la manière dont le monde tourne. Rien de mieux que les paroles de Tyler pour illustrer cela, qui synthétise ici ses propres contradictions et dévoile le coeur du film : "Gandhi a dit que tout ce qu'on fait dans la vie est insignifiant mais qu'il est très important de le faire. Je serais assez d'accord avec sa première phrase".
Avant tout film de personnages, l'interprétation devait être bonne pour lui donner "corps". Ce qui est le cas. En tête, Robert Pattinson qui malmène, par sa prestation habitée, son image d'ado à midinettes. Il est en effet crédible dans la peau de ce James Dean des temps modernes, dont la présence tantôt tranquille, tantôt auto-destructrice et nihiliste, s'explique facilement par le
background familial et social de son personnage, qui indiquent qu'il cherche désespérément sa place, entre un père absent et l'ombre de son frère. Son alter-ego féminin qui lui donne la réplique (Emilie de Ravin) apporte une touche de sensibilité prévisible mais belle, et forme un beau couple avec Tyler en lui redonnant un peu de chaleur. Dommage que son personnage manque un peu d'implication lorsqu'on revient au drame (alors que son introduction était bien violente), mais peut-être qu'autrement la dynamique du duo aurait été trop déséquilibrée. Pierce Brosnan excelle aussi dans le rôle du père responsable et distant, et il fallait sa "classe" pour être capable de montrer l'envers de son personnage sans tomber dans l'excès ou le ridicule. Enfin le
score musical est beau à en pleurer, épousant avec merveille la tonalité douce-amère du film.