La magie se déroule en trois temps: la promesse, le tour puis le prestige. Le film de Nolan contient les deux premières facettes de la magie sans avoir la substance du prestige. Premièrement la promesse est tenue. Nolan nous raconte avec facilité et parfois virtuosité ce duel de magicien dans une époque victorienne, excellemment bien reconstruite.
C'est à celui qui aura le plus grand tour. Il est question de notoriété mais pas que et c'est là où le film excelle. "Le Prestige" est terriblement fascinant quand il s'écarte de la magie pour s'approcher de plus près de ses personnages et vers ce qui les anime. Les deux ont soif d'apprendre mais l'un d'eux (Angier) va perdre sa femme à cause de la folie des grandeurs de son opposant (Borden). Suite à celui, une course acharnée vers le prestige va commencer entre les deux. Il y a ce mélange de respect et d'animosité l'un envers l'autre, ce qui est également montré par cette excellente idée de voir l'un et l'autre lire le journal "intime" de chacun.
L'un et l'autre sont habités par leur passion et leur profession, ce qui va les pousser à commettre des choses qu'il regretteront par moments, que cela soit à l'encontre d'eux mêmes ou de leurs proches (femmes ou maîtresses). Une véritable tristesse et même une vrai folie imprègne nos deux magiciens. On a souvenir révélé que le cinéma de Nolan était froid et sans émotion mais ce film montre tout le contraire. Il n'y a pas de bons ni de méchants, juste deux hommes obsédés par la magie.
Le "tour" est également réussi. La direction d'acteurs de Nolan est parfaite, avec un excellent duo Bale/Jackman mais aussi avec d'excellents personnages secondaires (Michael Caine ou meme Scarlett Johansson.). Au niveau de la narration , il n'y a pas grand chose à redire tant elle est fluide et assez hypnotique par moments. Le scénario nous tient en haleine durant deux heures, sans que l'on décroche une seconde. Ces personnages sont tellement bien écrits, que l'on trépigne à l'idée de connaitre le dénouement. Et sans confusion aucune, Nolan arrive à facilement recouper les scènes d'une différente chronologie.
Mais il y a un hic. La troisième portion de la magie, Nolan ne fait que l'effleurer. La dernière partie du film est très , voire trop, explicative mais était hélas comprise depuis de nombreuses minutes. A force de vouloir noyer le poisson et d'user d'illusion, la magie n'opère plus, et le secret devient alors trop visible. La relation entre Borden et Fallon est marquante dès la première apparition de ce dernier, même si elle est plus subtile qu'on ne peut le croire.
Qui plus est, Nolan ayant du mal finir son film, ajoute cette déviation métaphysique à l'histoire, et laisse le spectateur perplexe au vu du manque d'imagination. Nolan, au contraire d'un Lynch, a se besoin de prestige, d'avoir le dernier mot, qui enlève tout mystère et surtout coupe nette à toute émotion. Nolan est trop pragmatique. Un tour de magie ne fonctionne que quand le spectateur ne sait pas les tenants et les aboutissants de ce qu'il vient de voir. Un magicien ne révèle jamais son secret, au contraire d'un Nolan. Avec ce film abouti, mais à la fin prévisible, Nolan montre qu'il est un bon réalisateur mais un médiocre magicien.