Difficile de trouver aussi décomplexé et maîtrisé que ce magistral moment d'horreur signé Soavi. Le réalisateur italien prouve avec cette jolie fable humaine toute l'étendue de son savoir-faire, autant dans sa façon de croquer ses congénères avec acidité que dans sa fougue créative qui lui permet de mettre sur pied des ambiances envoûtantes qui ne sont pas sans rappeler le boulot de ses compatriotes les plus célèbres. On pense en effet souvent à Argento ou Fulci devant ce Dellamorte Dellamore, dans sa façon de côtoyer le macabre avec une aisance et une décontraction qui permettent au propos de ne jamais être pris au sérieux.
On passe en effet bien plus son temps à rire sans retenue qu'à avoir peur dans ce cimetière pas comme les autres dépeint par Soavi. Entre exécutions sommaires de revenants qui ne veulent pas mourir et rapports satiriques entre vivants, le cinéaste s'amuse à brosser le portrait d'une petite communauté soulevant des problèmes humains récurrents. Recherche du pouvoir, quête de l'amour éternel, questionnement à propos de l'existence ("On ne vit que pour mourir" ou la philosophie de bas étage analysée par Soavi
), tout est prétexte à propulser ce film de zombies qui finalement n'en est pas vraiment un.
En effet, bien plus que les zombies, c'est le personnage de Francesco Dellamorte qui est au coeur du film. Mort, vivant, ou mort vivant, on ne saura jamais vraiment qui est cet homme torturé par des forces qu'il ne parviendra pas à cerner. Jusqu'à un final poétique assez pessimiste, il tentera de lier les pièces d'un puzzle qui semble pourtant déjà achevé. Cette histoire d'amour impossible qu'il revit constamment peut être pris comme une sorte de purgatoire qui lui est imposé pour ces agissements passés. Et c'est dans cette capacité à esquisser des pistes de réflexion que Soavi fait mouche et permet à Dellamorte Dellamore de ne pas être qu'un simple film d'horreur qui jouerait uniquement sur son imagerie et ses ambiances pour exister.
Non, la vraie force de cette bobine bien plus intelligente qu'elle n'y parait, c'est sa profondeur thématique. Entre les questions soulevées par les différents personnages et cette trame burlesque qui verra notre fossoyeur devenir un tueur en série sans état d'âme lors d'une séance mémorable dans une chambre d'hôpital, Soavi distille ses cartouches avec minutie, sans jamais nous montrer le centre de cette cible qu'il touche pourtant à chaque séquence. Allier exubérance graphique, générosité sanguinolente et réflexion plus profonde est un exercice qui n'est pas à la portée de tout le monde.
Il est des films qui ne quitteront pas nos souvenirs, parce qu'ils possèdent cette petite singularité qui nous permet de ne les confondre avec aucun autre. Entre son sous texte percutant, sa mise en scène bourrée d'idée parfaitement exploitées, son duo "apathique Rupert Everett" / "pulpeuse Anna Falchi" et son absence totale de concession (le coup de scouts ou de la bonne soeur !
), on peut affirmer sans se tromper que Dellamorte Dellamore est de ceux là !