Dans les annees soixante-dix à Las Vegas, Ace Rothstein dirige d'une main de fer l'hôtel-casino Tangiers, financé en sous-main par le puissant syndicat des camionneurs. Le Tangiers est l'un des casinos les plus prospères de la ville et Ace est devenu le grand manitou de Las Vegas, secondé par son ami d'enfance, Nicky Santoro. Impitoyable avec les tricheurs, Rothstein se laisse un jour séduire par une virtuose de l'arnaque d'une insolente beauté, Ginger McKenna. Amoureux, il lui ouvre les porte de son paradis et l'épouse. Ses ennuis commencent alors.
Chef d'oeuvre incontesté de Maître Scorcese, fresque indémodable qui malgré sa longue durée reste très immersif et prenant grâce à sa galerie de personnages incroyables.
Un suivi au jour le jour, au fil des ans à leurs cotés permet de mieux connaitre leurs personnalités et leurs choix de vie. Ainsi, partant de protagonistes qui se ressemblent prennent pourtant des décisions qui les éloignent de plus en plus pour qu'au final les faux frères deviennent de vrais ennemis.
Une dualité constante qui envahie l'univers de Vegas où en gros tout le monde touche, tout le monde se surveille, et tout le monde cherche à s'enrichir peu importe les moyens. Un cycle infernal enivrant dont la Sin City en est le symbole, et où chacun peut être pris dans l’engrenage de l’appât du gain, de l'ivresse du jeu à plus ou moins grande échelle.
Le film est loin d’être linéaire dans sa narration, ce qui ne laisse aucunement place à l'ennui avec une scène d'ouverture choc mais trompeuse.
De Niro est magistral avec ce personnage énigmatique austère tiraillé entre le bien et le mal qui reste quasiment impassible pendant tout le film avec des moments de colère mémorable, servi par des dialogues ciselés intelligents et pas mal de voix-off qui permettent de prendre un certain recul et détachement par rapport aux images.
Rothstein ne se salit pas les mains, restant un caïd qui laisse aux petites gens le soin de se débarrasser des parasites, mais brille par son intelligence, ses relations, son don de la manipulation pour étendre son pouvoir.
Il se paye de sacrés costards bien bling-bling à l'image de sa femme (Sharon Stone).
Il reste assez peu expansif sur ses sentiments, mais il glace les gens du regard en un instant.
Joe Pesci est donc l'opposé de Rothstein, un personnage vraiment très proche de celui des affranchis, un petit nerveux violent qui démarre au quart de tour et ne fait pas dans la demi-mesure. Un rôle caricatural détonant excessif qui offre plusieurs scènes vraiment sanglantes offre des fulgurances de violence.
Sharon Stone campe Ginger, on peut dire que c'est son meilleur rôle, loin d’être la potiche de service, elle rivalise avec les hommes avec un esprit tout aussi corrompu et dépravé toujours plus avide de richesse, jamais heureuse même si elle a déjà tout. Stone est inattendue , irradie malgré des tenues ou des coiffures improbables, elle n'a pas les meilleurs dialogues ni les meilleurs scènes mais son rôle reste très marquant de part sa prestation.
Au départ, les personnages de Pesci et De Niro sont très proches et intimes, au fil de la narration, leurs comportements évoluent et leurs destins respectifs se séparent jusqu’à l'incompréhension et la trahison mutuelle malgré leurs efforts respectifs pour rester "amis".
Au départ, on se retrouve clairement dans un système mafieux à l'ancienne avec un réseau bien établi des petites magouilles, de la corruption , tout fonctionne de façon harmonieuse malgré quelques dommages collatéraux faisant partie du paysage.
Au fil du temps, le coté fascinant de ce milieu devient plutôt repoussant sans code d'honneur avec un monde fait de balances, où on dénonce, on trahit dans cette usine à fric vulgaire et sans âme. Ainsi, on peut voir que De Niro a plutôt choisi la facilité, d'entrer dans le moule sans faire de vagues avec une certaine réussite qu'il aime endosser de part des costumes bariolés peu discrets aussi rutilant et étincelant de la capitale du mauvais gout le Nouveau Vegas.
Au contraire, Pesci reste plutôt sobre dans son allure qui un peu camoufler une attitude outrancière à l'ancienne.
De nombreux détails foisonnent expliquant et décortiquant les mécanismes de trafics, des flux et transferts d'argent où on apprend que la pègre brasse de liasses mais souhaite contrôler le moindre rouage du système pour éviter qu'il ne s'enraille et limiter les pertes. Nous sommes au fait de tous les trucs pour arnaquer, tricher, corrompre et on se rend compte de l’extrême rigueur du système : il ne faut oublier personne lors du partage du gâteau sinon les répercussions sont énormes.
La mise en scène de Scorcese est somptueuse, avec pas mal de plan séquences bluffants,magnifiques travellings, des cadrages ingénieux. Un décalage entre une réalisation très propre et calme qui contraste avec les images qui peuvent montrer des fusillades ou des bains de sang.
Des personnages psychotiques qui ne sont jamais heureux qui atteignent et affichent une belle réussite avec une apogée qui se termine en chute vertigineuse fascinante avec un casting percutant.