Né en 1943 et malheureusement décédé en 2010, Alain Corneau était l'un des derniers géants du cinéma français, un homme profondément modeste, gentil, peu sur de son œuvre pourtant génie de l'adaptation littéraire (dont il fera sa spécialité) et faisait partie de ce que l'on qualifier des premiers "cinéastes cinéphiles" qui ont émergés juste après la Nouvelle Vague, qui faisaient ce métier avant tout par amour de leurs influences.
Ma découverte avec l’œuvre de ce grand monsieur et l'envie d'en découvrir plus est née d'abord de la découverte du Cousin, qui a été un choc terrible car il condense le style américain (on pense à Friedkin notamment) et style français sans jamais se laisser submerger par l'une de ces deux tendances, une prouesse inespérée dans le polar français qui ne sait plus trop sur quel pied danser aujourd'hui. Puis par un article lu dans un magazine dont j'ai oublié le nom quelques temps plus tard, où Corneau donnait sur plusieurs pages son avis sur le polar hongkongais et sur Johnnie To tout particulièrement dont il est un grand admirateur. Là, encore je fus impressionné par rapport à son âge et ses goûts de regarder avec bienveillance cette vague qui n'a pourtant pas grand chose à voir avec les films qu'il tourne (même si plus tard en découvrant ses premiers films, le parallèle était finalement logique avec Série Noire et Le Choix des Armes avec leur dimension sociale bien marquée), tout en ayant une analyse claire et pertinente.
Du coup, il fallait que je voie tous ses polars et aussi pourquoi pas ses films moins typés genre.
Les Débuts
Il me semble évident de parler en quelques mots de la jeunesse de Corneau car elle cristallise tout ce qui fera l'intêret de son œuvre : installé près d'une base militaire américaine à Orléans, le jeune Alain fasciné par une culture auquel il ne pouvait accéder, entre la musique jazz des clubs (il sera même batteur dans un groupe), les vêtements et la littérature populaire, il rêve d'Amérique mais "piégé" dans sa petite cambrousse française, il caressa de loin ce désir de partir là-bas (ce qu'il fera mais quelques années plus tard mais avec pas mal de frustrations). Du coup, on comprend très vite son goût pour la musique, son talent à savoir digérer les mécanismes de style des films américains pour les adapter à des films français et son ouverture sur d'autres mondes puisqu'il confesse avoir accepté certains projets uniquement pour pouvoir aller à l'étranger (il avait pour habitude de rester assez longtemps tout seul dans les pays où il voyageait).
Mais bizarrement le cinéma ne le motivait pas tant que ça à la base, jusqu'au moment où a il compris que sa carrière de jazzmen avait peu de chances d'aboutir et qu'il y a vu des similitudes avec son travail de batteur : l'enchainement des plans, la vitesse des mouvements de caméra, le tout forme un rythme qui doit coller à l'esprit du film. Un peu à la manière de John McTiernan, Corneau voit les films comme des partitions de musique, explorant de manière très subtile des mécaniques codées. Dès lors, il va passer le concours de l'Idhec (la Femis aujourd'hui) et va dès lors profiter de son statut d'étudiant pour parfaire sa cinéphagie, en écumant tous les cinémas de la capitale, avouant être allé jusqu’à voir 30 films en un week-end (Angel t'es battu là) !? De Kurosawa à Ozu en passant par Siegel, le jeune Alain ne va rien rater et se forger un bagage cinématographique conséquent, avant d'aller écumer les plateaux de ciné pour assurer tous les postes possibles, jusqu’à l'honneur suprême d'aller assister Roger Corman le temps d'un film (Target Henry en 1969) et de voir un Costa-Gavras le réclamer personnellement pour L'Aveu où il fera la rencontre de ce qui sera son acteur fétiche, Yves Montand.
Proche de son but, il lui faudra ronger son frein encore deux années avant de pouvoir tourner son premier long métrage......
Filmographie commentée
France, Société Anonyme (tourné en 1973, mais sorti en 1974)
Un premier film qu'il a fait pratiquement tout seul, fait sous l'influence du Kubrick d'Orange Mécanique et qu'il avait imaginé comme un pavé dans la mare dont visiblement il ne garde pas une grande estime (ça reste un
"film de jeunesse qui voulait en mettre plein les yeux"). Si le film se tient bien visuellement, le propos libertaire semble déjà daté mais il y a déjà ce côté littéraire qui émane de la pellicule, bien qu'a ma grande surprise ce scénario n'est tiré d'aucun livre.
Une curiosité, car les bons films d'anticipations français ne courent pas les rues non plus.
Police Python 357 (1976)
La pierre fondatrice de son œuvre et le premier chainon de ce que je considère comme le carré magique de Corneau (composé du film précité, de
Série Noire,
La Menace et
Le Cousin). Malgré un titre qui semble annoncer du Dirty Harry-like, on en est très loin, et offre une relecture plus sensible, voire névrosée de ce personnage de super-flic qui n'est rien sans son flingue (Montand très bien dirigé dans ce rôle assez difficile). Le scénario est très malin, détaillé et ne laisse aucune place au hasard.
Le climax sur le parking est enormissime et la mise en scène est encore d'un très haut niveau. Du très lourd en somme.
La Menace (1977)
Après le film-enquète, on est là dans la plus pure tradition du thriller américain et Corneau franchit encore un cap dans son travail de scénariste : outre les personnages qui sont tous capables du pire, c'est cette insolente réussite à user des ficelles les plus vieilles du monde pour nous faire tomber dans le panneau et d'inclure des éléments imprévisibles dans le récit.
A noter encore une fois un Montand génialissime, un gros climax qui débourre tourné au Canada et réglé par Remi Julienne.
Série Noire (1979)
Moins "gros" que ses précédents, il reste pour moi le plus ambitieux de tous ses polars, celui où il effectue la prouesse d'adapter le maitre de la loose sur papier, Jim Thompson, d'en préserver toute l'essence et de réussir à la transposer dans les bas-fonds les plus sordides de la banlieue française.
Une grosse claque, une vraie leçon d'adaptation littéraire pour un film étouffant de nihilisme.
Le Choix des Armes (1981)
Celui que j'aime le moins, on reste dans la fable sociale de Série Noire mais on y perd son côté très brut et direct.
Encore une fois les acteurs ne sont pas en reste et Corneau s'essaye pour la première fois au scope. A revoir.
Fort Saganne (1984)
Le Môme (1986)
Nocturne Indien (1989)
Corneau plante ses caméras en Inde pour tourner son
After Hours : un film fait de rencontres d'abord programmées, puis qui deviennent de plus en plus saugrenues, le tout mélé dans une forme de poésie visuelle entre recherche (la photo n'aura pas volé son César cette année-là, avec le choix du plan fixe comme partis-pris esthétique) et urgence (le plan improvisé dans la gare avec Anglade perdu au milieu d'une marée humaine endormie où les gens sont filmés à leur insu).
Encore du tout bon de sa part, nous transmettant un goût du voyage comme aucun de ses autres films.
Tous les Matins du Monde (1991)
Le Nouveau Monde (1995)
Le film plus auto-biographique de Corneau, qui raconte de manière très détaillée son enfance près des bases militaires d’Orléans. C'est tantôt joyeux (tous les passages dans la base américaine) mais plus souvent amer et déprimant, le problème c'est qu'il faut aimer les passage a base de longues impros de jazz et supporter la tête de veau qui joue le rôle Corneau jeune. Sinon mention à James Gandolfini en GI bipolaire qui avait pour le coup hérité d'un chouette rôle (il manque ce gars), avec un temps de présence très important.
Le Cousin (1997)
Un polar qui trimballe le meilleur de l’héritage laissé par les glorieuses 70's, où la dimension réaliste est son paroxysme et la frontière entre le bien et le mal semble ici totalement bannie. Dialogué de main de maitre, casté à la perfection (Timsit convaincant en dealer de banlieue qui l'aurait cru ?!) et passionnant de bout en bout, Le Cousin est un film de bourlingueur, de mec qui connait son métier et qui nous montre c'est quoi un vrai bon polar.
La classe totale.
Le Prince du Pacifique (2000)
Corneau qui filme ses vacances les pieds dans l'eau, très peu pour moi.
Stupeurs et Tremblements (2003)
Vraiment pas mal, surtout quand on est un curieux du Japon comme moi.
Alors ça casse pas trois pattes à un canard faute à un tournage en DV que je trouve dégueulasse, mais le matériau de Nothomb est vraiment intéressant et je comprends que le point de vue choisi par l'auteur ait plu a Corneau. Une chose est sure, c'est que jamais je n'irai jamais bosser au Japon après ça.
Les Mots Bleus (2005)
Le Deuxième Souffle (2007)
J'ai pas eu le courage de le finir celui-là, mais j'ai pas du tout aimé ce que j'ai vu : des acteurs à la lumière, rien ne m'a plu dans ce kouglof indigeste.
Crime d'Amour (2010)