Beaucoup l'ont rêvé, Del Toro l'a fait: mixer Godzilla à Evangelion, en empruntant dans tous les supports possibles et imaginables traitant de ce sujet. Et avec un budget de 200 millions de $, le champ des possibles est très large. Même si on ne peut pas vraiment dire que Pacific Rim colle à la filmographie du cinéaste, habitué à des œuvres beaucoup moins tape-à-l’œil, les recettes engrangées par sa sortie vont lui permettre de dépasser le stade de simple auteur aux ambitions démesurées réduites par les studios (l'empêchant de réaliser Hellboy 3) et de lui laisser les mains libres pour ses projets qui baignent dans le formol depuis des années (j'ai hâte de voir une adaptation fidèle des Montagnes hallucinées). Et au vu de ce dont il est capable en terme de gigantisme et de design des créatures, tout fan de Lovecraft ne peut que trépigner d'impatience.
Le gros problème des blockbusters estivaux, c'est qu'ils sont censés avoir un cahier des charges précis. Et celui-ci implique de ne pas faire trop compliqué, le soleil cramant les neurones des spectateurs qui ne veulent plus avoir à réfléchir lorsqu'ils vont au cinéma. C'est la condition principale pour avoir une visibilité maximale auprès du public. Mais lorsqu'on s'appelle Del Toro, cette concession est difficile à faire. Même si le scénario n'est pas ce qu'on sauvera de Pacific Rim, il a le mérite de ne pas trop nous prendre pour des vaches à lait et de proposer un minimum de développement des personnages pour un maximum de spectacle visuel. L'autre particularité du film provient de son casting, loin des standards des autres productions du genre. Pas d'acteurs hype, pas de caméo plombant (le personnage de Perlman rentre parfaitement dans les thématiques, l'univers de son QG rappelant étonnamment celui d'Hellboy). De quoi permettre un minimum de fond.
La totalité du budget se voit à l'écran. Que ceux qui s'inquiétaient de voir les plus gros morceaux de bravoure dans le trailer se rassure. La moitié du film est consacrée à des batailles dantesques où le cotât de destructions réunit celui de tous les films de Michael Bay et Roland Emmerich réunis. La grosse ombre du tableau provient de ce message patriotique à peine caché. Les armées de tout pays ont rassemblés leurs finances pour créer les Jaegers, ces mechas conduits par des pilotes hors pairs. Mais que voit-on à l'écran ? Que reste-t-il de ce programme ? Les Américains, fiers d'eux et de leurs pilotes, toujours prêts à combattre l'ennemi, aux quatre coins de la planète. Ecoeurant de voir ce nationalisme dégoulinant suinter dans les rouages d'une intrigue déjà bien faiblarde, surtout lorsque celui est incarné par une tête à claque en puissance (Charlie Hunnam, aussi mauvais que d'habitude).
Si le côté épique du film est particulièrement bien retranscrit par la puissance des affrontements, on se passera de tout commentaire sur la bande originale, dénuée de toute vie et de toute impulsion guerrière. Tout droit sortie d'un générateur de thèmes de blockbuster par défaut, elle n'accroche jamais aux images, aux scènes et on ne la retient jamais. Dans un film où des relents de fin du monde plane sur la tête des humains et où le seul espoir provient de l'énergie nucléaire (gros fuck aux écologistes en passant), on était en droit de s'attendre à un minimum de souffle épique. Heureusement que le look des Jaegers emporte l'adhésion, celui de Gypsy Danger étant particulièrement réussi. Pacific Rim est bel et bien le film tant attendu, réussissant l'exploit d'apprendre un nouveau vocabulaire à des moutons venus chercher leur dose de spectacle abrutissant.
7,5/10