Kids Return - Takeshi Kitano - 1996
Après l'interlude insipide Getting Any, Takeshi Kitano revient aux affaires avec ce très beau film sur l'adolescence. De Violent Cop à Sonatine, il avait déjà traité en filigrane le thème de la jeunesse japonaise. Dans Kids Return, il lui consacre un film entier. A ses yeux, ses jeunes compatriotes, du moins une partie, sont des tires-au-flan sans ambition, désabusés et parfois cruels aussi bien entre eux qu'avec les adultes. On suit ici l'histoire d'amitié très forte qui unit Shinji et Masaru, deux lycéens au bord de la déscolarisation, petits frappes malgré eux. Le jour où l'une de leurs nombreuses séances de racket prend une mauvaise tournure, ils décident de s'inscrire dans un club de boxe. Contre toute attente, celui qu'on imagine être le plus introverti (Shinji) est bien plus doué que l'autre. Pendant que l'un s'accroche à l'espoir de devenir professionnel, l'autre rejoint un gang de yakusas.
Le seul reproche que l'on peut faire au film est l'absence d'enjeux narratifs dignes de ce nom. En décidant de dévoiler l'issue de son récit dès les premières minutes, Kitano fait montre d'un grand pessimisme à l'égard de cette jeunesse désabusée qui n'a pas réussi à suivre le train de l'excellence imposé par la société nippone. Seul voie de rédemption, leur amitié plus forte que tout leur permettra peut être d'aspirer à une existence un peu plus épanouie que ne le laissait présager leurs actes irréfléchis. Un constat amer dans un pays qui ne tolère que très peu l'échec et le manque de persévérance. Dans des scènes de boxe très sobres mais pourtant efficaces, Shinji tente d'inverser la courbe du destin pendant que Masaru semble creuser sa propre tombe. Pendant que l'un pense tenir une seconde chance, l'autre balaie cette hypothèse d'un revers de la main.
Accompagnée par la somptueuse bande originale de Joe Hisaishi, c'est une habitude chez lui, Kids Return est un film d'une limpidité exemplaire, très simple sans jamais être simpliste, et qui fait la part belle à l'émotion. Difficile en effet de ne pas s'attacher à ces deux gentils loosers. Quand on découvre le film et qu'on a le même âge que les personnages, l'empathie est très forte car leur sentiment de révolte mêlé de bêtise est une étape incontournable de l'adolescence. En redécouvrant le film avec dix ans de plus dans le cornet, l'identification n'est plus la même mais on a eu le temps d'apprendre à se relever de nos échecs et à méditer nos erreurs de jeunesse. Prôner des valeurs de fraternité, c'est une des plus belles réponses face à la perte des illusions. Un très beau film qui prouve une fois de plus que Kitano porte un regard lucide, à la fois impartial et tendre, sur les qualités et les travers qui forgent le comportement humain.
8/10