Madadayo, Akira Kurosawa (1993)
Dernier film idéal, mais néanmoins non prévu pour cette occasion, Madadayo est une méditation sur la transmission, la vieillesse, et la mort. Il est vrai que l'univers de bonté et de solidarité que Akira Kurosawa nous présente ici semble bien souvent irréel, exagéré (à la moindre occasion, un groupe de ses anciens élèves vient soutenir leur vieux professeur, sans recul). Mais il s'agit aussi d'un film important, indicateur d'un virage de l'âme, moins préoccupée par la souffrance morale et le mal à l'oeuvre dans le monde, que d'avoir un bon entourage amical, fait de gentillesse et de courage, toujours là en dépit des grands et petits malheurs qui peuvent arriver.
Au niveau de la forme, il ne reste presque rien du perfectionnisme de la mise en scène à laquelle le réalisateur nous a habitué (à part peut-être deux scènes étonnamment belles : la simplicité de cette maison faite de bric et de broc, et l'ultime rêve du professeur, baignant dans une magnifique lumière solaire, à la fois matin et soir de la vie). Comme déjà dans Rhapsody in August, l'essentiel est dans le message. Durant deux décennies (en passant par la guerre et les problèmes économiques), après l'âge de la retraite, nous suivons un professeur à l'esprit jeune, se moquant le plus souvent des misères qui lui arrivent. Un groupe d'élèves, pour témoigner de leur affection, monte une tradition juste pour lui, autour d'un banquet, consistant à lui demander, en écho au cache-cache des enfants, s'il est prêt à s'en aller (sous-entendu pour l'au-delà), et à lui de répondre que non (et voilà le sens du titre).
Ainsi il y a peu à raconter, donnant une large part aux bons sentiments, parfois trop forcés. Mais l'émotion jaillit en certains endroits, reflet d'une sagesse acquise par l'expérience et les épreuves, mais aussi d'une sensibilité à fleur de peau. Ici, une chanson traditionnelle que le vieux professeur improvise, ayant pour but de tourner en dérision les injustices dans le monde. Ailleurs, une bombe qui détruit sa maison, ce qu'il surmonte avec dignité (situation qu'il identifie à celle d'un vieil ermite japonais qui vivait de la même manière), grâce à ses amis prévenants et son humour. Enfin, un chat perdu jamais retrouvé. Cette dernière séquence prend probablement trop de place dans le récit, mais il est frappant de voir à quel point cette scène apparemment anodine affecte encore plus le vieux monsieur que la disparition de sa maison, comme si le plus petit être vivant valait plus que tous les biens matériels du monde, représentant surtout l'être cher que l'on perd à jamais. Derrière ses airs jovials se meut aussi une peur apprivoisée de ce qui échappe à la raison (sa réflexion sur la peur du noir, d'abord raillée par ses proches, reçoit ensuite un grand respect avec raison).
Bref, un film souvent maladroit dans sa narration par sa naïveté, comme si son auteur aspirait seulement à la tranquillité. Mais en même temps touchant et sincère par les thèmes qu'il touche, d'autant plus lorsqu'on connaît l'oeuvre qui est derrière. Un dernier héritage à la fois simple et profond sur ce qu'un vieil homme peut transmettre, qui est de chercher le trésor présent en nous. Tu vas nous manquer Senseï !
Au niveau de la forme, il ne reste presque rien du perfectionnisme de la mise en scène à laquelle le réalisateur nous a habitué (à part peut-être deux scènes étonnamment belles : la simplicité de cette maison faite de bric et de broc, et l'ultime rêve du professeur, baignant dans une magnifique lumière solaire, à la fois matin et soir de la vie). Comme déjà dans Rhapsody in August, l'essentiel est dans le message. Durant deux décennies (en passant par la guerre et les problèmes économiques), après l'âge de la retraite, nous suivons un professeur à l'esprit jeune, se moquant le plus souvent des misères qui lui arrivent. Un groupe d'élèves, pour témoigner de leur affection, monte une tradition juste pour lui, autour d'un banquet, consistant à lui demander, en écho au cache-cache des enfants, s'il est prêt à s'en aller (sous-entendu pour l'au-delà), et à lui de répondre que non (et voilà le sens du titre).
Ainsi il y a peu à raconter, donnant une large part aux bons sentiments, parfois trop forcés. Mais l'émotion jaillit en certains endroits, reflet d'une sagesse acquise par l'expérience et les épreuves, mais aussi d'une sensibilité à fleur de peau. Ici, une chanson traditionnelle que le vieux professeur improvise, ayant pour but de tourner en dérision les injustices dans le monde. Ailleurs, une bombe qui détruit sa maison, ce qu'il surmonte avec dignité (situation qu'il identifie à celle d'un vieil ermite japonais qui vivait de la même manière), grâce à ses amis prévenants et son humour. Enfin, un chat perdu jamais retrouvé. Cette dernière séquence prend probablement trop de place dans le récit, mais il est frappant de voir à quel point cette scène apparemment anodine affecte encore plus le vieux monsieur que la disparition de sa maison, comme si le plus petit être vivant valait plus que tous les biens matériels du monde, représentant surtout l'être cher que l'on perd à jamais. Derrière ses airs jovials se meut aussi une peur apprivoisée de ce qui échappe à la raison (sa réflexion sur la peur du noir, d'abord raillée par ses proches, reçoit ensuite un grand respect avec raison).
Bref, un film souvent maladroit dans sa narration par sa naïveté, comme si son auteur aspirait seulement à la tranquillité. Mais en même temps touchant et sincère par les thèmes qu'il touche, d'autant plus lorsqu'on connaît l'oeuvre qui est derrière. Un dernier héritage à la fois simple et profond sur ce qu'un vieil homme peut transmettre, qui est de chercher le trésor présent en nous. Tu vas nous manquer Senseï !