Millenium: les hommes qui n'aimaient pas les femmes de David Fincher ( 2012 ) - 9,5/10
Mikael Blomkvist, journaliste, perd un procès et se met en retrait de son métier pour se consacrer à une affaire de mœurs. Henrik Vanger, lui demande d’enquêter sur la disparation de sa nièce Harriet, ayant lieu il y a de nombreuses années. Mais sans cela le savoir, Mikael est surveillé de très près par une mystérieuse femme, un brin marginale. Série littéraire à grand succès, sortie cinématographique version suédoise surcotée avec la découverte qu'est Noomi Rapace, tout avait été donc écrit et filmé sur le sujet. Avant même que le film de Fincher ne sorte en salles, certains criaient au loup contre les sorties à foison des remakes à l'américaine.
Ne présentant aucun suspense pour ceux qui connaissent déjà l'histoire, ce Millenium fascine par son exercice de style visuel assez ébouriffant. Fincher est un peu comme le bon vin, il se bonifie avec l'age. Dès le début, on prend une claque grâce à un générique électrisant emmené par la reprise de Immigrant Song par le duo Reznor/Karen O.
Après un The Social Network ultra maîtrisé de bout en bout, Fincher n'a pas perdu la main pour nous distiller une oeuvre quasi parfaite d'un point de vue de la mise en scène. Photographie somptueuse, jeux de lumière impressionnant, la mise en scène est ultra travaillée et n'est jamais gratuite, nous offrant certains plans d'une extrême beauté.
On pense à cette séquence de fin dans la cave du sérial killer. La référence est sans doute incongrue et tirée par les cheveux, mais cette séquence tant par son visuel que par sa violence m'a fait penser à la salle de bain de The Chaser.
L'univers du film est clinique et l'atmosphère froide venant de Suède est excellemment retranscrite, magnifiquement accompagné par la bande son de Reznor/Atticus. Mais outre la narration limpide et sans accrocs de son histoire, ce qui anime le film, c'est surtout le liens et les disparités qui unissent son duo. Et sur ce point là le couple Graig/Mara fait des merveilles à l'écran.
Blomkvist, journaliste connu, est terre à terre et est en proie à redorer son blason. Lisbeth, elle, est la véritable force du long métrage. Elle est une geek marginale à la sexualité décomplexée , experte en ordinateur. Elle est le pendant sombre de Mark Zuckerberg dans The Social Network. Le travail sur son apparence est impressionnant: Fincher nous dépeint une sorte de petite punkette névrosée et filiforme à la fois repoussante mais terriblement excitante. Le réalisateur est fasciné par son personnage et chaque scène avec son actrice est un pur plaisir, parfois extrêmement charnel. Découverte par ce même Fincher, Rooney Mara hypnotique.
C'est paradoxal et aussi révélateur de l'immense talent de son réalisateur puisqu'on a souvent catalogué ce dernier comme étant un metteur en scène de roles "d'hommes". Ce personnage est surtout associable et est une pupille de l'Etat.
Après l'AVC de son tuteur, elle est prise en charge par un homme peu scrupuleux. Fincher n'y pas de main morte et nous explose au visage une scène de viol d'une violence sidérante. Mais la vengeance de cette dernière n'en sera que plus glauque et plus jouissive pour le spectateur.
Petit à petit l’enquête va les amener à se rencontrer. Les deux protagonistes vont apprendre à se connaitre à lier des liens entre eux. Et cette simple disparation va les amener sur la route d'un sérial killer. Ces meurtres sur fond de religion font clairement penser à Seven. D'ailleurs, l'aspect nazi de l'Après Guerre n'intéresse quasiment pas Fincher. Les différentes façons d’enquêter sont montrer de façon fascinante.
L'un est de la vieille école en allant sur le terrain pour trouver des polaroids sortis de nulle part et elle, fait tout par logiciel et collecte d'informations sur ordinateurs. Tout cela se recoupe au final par une recherche d'indices dans une bibliothèque au montage parfait visuellement et d'un suspense à couper le souffle. Scène d'investigations à la logique implacable, elle est tout droit sorti du chef d'oeuvre qu'est The Zodiac.
Alors qu'on pouvait s'attendre à un vulgaire film de commande fait à la vite, le réalisateur prend son petit monde à contre pied en montant de toute pièce un condensé de ses plus grandes obsessions visuelles et thématiques. Il enterre facilement le téléfilm suédois. Sans dénaturer l'oeuvre littéraire dont est issu le scénario, Fincher arrive à se réapproprier l'histoire avec comme point d'orgue: la fabuleuse et excentrique Rooney Mara.