Deuxième film de Takahata pour Ghibli après le célèbre
Tombeau des lucioles.
A travers le portrait de Taeko, une jeune femme du début des années 80 et ses souvenirs d'enfance des années 60, Takahata évoque la nostalgie qui sommeille en chacun, et ravive les valeurs qui lui sont chères, proches de la Terre. Le film est monté en une alternance de scènes du présent et du passé, selon que remontent à la surface les souvenirs de l'héroïne.
L'enfance en 1966, elle est en CM2. La nostalgie qui surgit ici est très communicative, avec un côté universel.
Taeko se remémore sa famille, entre ses deux grandes soeurs, sa mère, sa grand-mère vivant sous leur toit, et leur père, seul homme de la famille, qui passe ses repas à lire le journal sans leur adresser la parole si ce n'est pour se faire servir. L'école, les copines, les garçons... les événements qui reviennent sont tendres ou marquants, autant d'étapes importantes de l'enfance, les derniers souvenirs qui en restent lorsqu'on est adulte (pourquoi ceux-ci et pas d'autres?). Beaucoup de passages sont touchants, comme sa première et unique baffe de la part de son père parce qu'elle est sortie dans la cour en chaussettes... Des passages cocasses comme un cours sur les règles (on parle de celles que les garçons n'auront jamais) qui rend folle toute l'école. Les caprices d'enfants, les excuses farfelues pour expliquer une mauvaise note, autant de choses auxquelles chacun d'entre nous peut se raprocher.
En une seule scène très forte, Takahata démontre toute la puissance paternelle des familles de l'époque. Taeko brille dans une petite pièce de théâtre à l'école et voilà qu'un étudiant insiste auprès de sa mère pour qu'elle joue dans une de leurs pièces. La petite fille se fait déjà des films de gloire, mais lors d'un repas, alors que les 5 filles en parlent, le père lève le nez de son journal et impose un refus net et catégorique en quelques mots, silence, fin des illusions, personne ne conteste. La mère ira même s'excuser auprès de l'étudiant en reportant la faute sur sa fille, la prétendant trop timide pour accepter.
Le présent en 1982, Taeko a 27 ans, célibataire, elle vit et bosse à Tokyo. Un petit séjour dans la famille de son beau-frère à la campagne va donc raviver tous ses souvenirs d'enfance. Elle rencontre un jeune homme paysan féru de son métier, et tombe en adoration devant la nature. Takahata ne cache pas ici sa propre admiration pour ses valeurs de la Terre et ça devient une véritable ode aux champs, montagnes et paysans à l'ancienne.
Graphiquement le film a deux styles différents selon les époques. Le passé est très dépouillé, avec une touche Takahata qui rappelle un peu ses films précédents. Les couleurs sont délavées, presque pastels, les bords cadres légèrement flou ou esquissés, les décors simples... un peu comme des souvenirs légèrement brumeux, pas toujours très nets.
A l'inverse le présent est très
Ghibli, avec une nature magnifiée (beaucoup de plans sublimes).
L'épilogue a bizarrement lieu pendant le générique de fin, loin d'être anecdotique, c'est carrément la scène de fin et la conclusion du film, avec une certaine émotion de par un choix superbe de mise en scène, le mélange du passé et présent. Je regrette presque que le générique n'ait pas été mis à part de façon classique, car l'affichage des noms perturbe quelque peu cette dernière scène touchante, et l'apparition du générique provoque toujours un relachement et une déconcentration du spectateur.
Encore un beau film sorti des studios Ghibli dans le plus grand anonymat (chez nous j'entends, car au Japon il a été un gros hit), à (re)découvrir.