The Great Gatsby (Gatsby le Magnifique) de Baz Luhrmann
(2013)
"Gatsby believed in the green light, the orgastic future that year by year recedes before us. It eluded us then, but that's no matter - tomorrow we will run faster, stretch out our arms farther... And one fine morning - So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past."
Il aura fallu cinq ans pour voir enfin le cinquième long-métrage de Baz Luhrmann, une période riche en déceptions et mauvaises nouvelles puisqu'elle aura été le témoin de l'annulation pure et simple de la trilogie Australia qui devait retracer l'histoire du pays à travers des récits et personnages différents, mais aussi le témoin de la séparation de Baz Luhrmann à son producteur/distributeur qui l'avait jusque là toujours soutenu, à savoir la Fox. L'adaptation de The Great Gatsby a toujours été plus qu'une simple envie dans l'esprit de Luhrmann, au point que le roman de Fitzgerald hantait certaines thématiques de sa carrière, et forcément on ne pouvait que ressentir de l'appréhension face à un cinéaste qui décide de livrer sa version d'une histoire fondamentale dans son œuvre. Rajoutons à cela un marketing des plus déstabilisants (qui loupe totalement le coche soit dit en passant) et un report de presque six mois pour une raison inconnue et cela donnait un film qui, même pour un aficionado du travail du cinéaste, représentait autant un fantasme qu'un risque non négligeable, surtout après un film comme Australia.
N'ayant pas lu le livre d'origine ni vu l'adaptation avec Robert Redford et Mia Farrow, je ne jouerais pas le jeu de la comparaison, mais toujours est-il que le fait d'avoir découvert le film vierge de toute information sur le récit a sûrement joué sur l'effet de surprise. Là où les bande-annonces mettaient l'accent sur une représentation assez particulière de la folie du New-York des années 20, on se retrouve finalement plus devant une tragédie intimiste qui prendra de l'ampleur uniquement sur sa symbolique. Car oui, The Great Gatsby est clairement une œuvre qui joue, à la manière de son récit, sur un jeu d'apparence et là où beaucoup verront un simple mauvais goût dans la façon de filmer les festivités du film, il y a pourtant un réel travail sur ce qu'elles représentent réellement, à savoir une énième façon pour les hommes d'oublier le monde décadent dans lequel ils vivent, un reflet évident de la société contemporaine. Mais là encore, le film se permet même d'aller plus loin en offrant une véritable réflexion sur les faux-semblants d'une époque, ce qui rapproche clairement le récit de celui de Moulin Rouge du même réalisateur avec qui il offre plusieurs traits communs assez troublants (vision fantasmée d'un monde qui se révélera être à la fin du film d'une atrocité et mocheté sans nom, héros sombrant dans la dépression en découvrant que ses idéaux n'ont aucune place dans une telle société, etc...). Buchanan devient alors le seul véritable humain du film, le seul qui s'assume comme tel et qui ne produit pas une façade malgré ses jeux de manipulation. Quand à Jay Gatsby lui-même, il se révèle être derrière son profond mystère un personnage idéaliste et naïf, prêt à tout pour croire encore à l'espoir d'un amour passé, en cette fameuse lumière verte que jamais il ne touchera, ce qui offre au récit un véritable côté tragique qui prend tout son sens dans le dernier acte d'une beauté simple et touchante. Quand à Nick Carraway, il se révèle être le véritable personnage central du film puisqu'il est finalement le seul auquel le spectateur peut s'identifier de façon totale, à tel point que sa désillusion en devient particulièrement poignante dans un univers où l'on se refuse à regarder la vie telle qu'elle est.
Sur le plan formel, le film divisera clairement dans le sens où on est bel et bien en face d'un film marqué par la patte de Baz Luhrmann. Certes, la plupart des folies excentriques habituelles du réalisateur sont toujours là, mais le fait est que The Great Gatsby est de loin le film le plus sage de son auteur avec Australia, puisque tout est concentré durant la première heure afin de laisser l'histoire prendre le dessus petit à petit pour aboutir sur un final qui montre quel niveau de cinéma peut atteindre Luhrmann lorsqu'il s'en donne les moyens. Pour ce qui est de l'utilisation du relief, on notera tout de même une petite déception tant Luhrmann avait de quoi impressionner sur ce point, mais on se retrouve avec des idées certes bonnes mais déjà vues ailleurs par le passé. En ce qui concerne la bande-son, les ajouts anachroniques se révèlent finalement assez mineurs comparés à la longueur du métrage, on notera surtout une composition de Craig Armstrong qui arrive très bien à distiller l'ensemble. Enfin, malgré le fait que beaucoup de personnages se révèlent sacrifiés malgré un puissant potentiel (Jordan Baker st surtout le couple Wilson), on se retrouve avec un casting de grande qualité mené évidemment par le duo DiCaprio/Maguire dans une relation entre timide complicité et profond respect mutuel qui permet au métrage d'atteindre une vraie force émotionnelle dans sa dernière scène. A défaut d'avoir un chef-d’œuvre, Luhrmann revient ici e grande forme après un très moyen Australia. The Great Gatsby est, à mes yeux, clairement un film qui gagne en intensité à la revision malgré quelques défauts (notamment quelques incrustations CGI pas fameuses) qui l'empêcheront d'être parfait sur tout les points. Reste à voir comment Luhrmann va continuer sa carrière après une telle œuvre.
NOTE : 8/10