BLUE SPRING++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++Toshiaki Toyoda (2001) |
9/10++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ Blue Spring est un souvenir particulier pour moi puisque c’est avec lui que j’ai découvert Toshiaki Toyoda, qui est, avec Sion Sono, le réalisateur japonais des années 2000 qui m’a le plus enthousiasmé. De son enivrante bobine, empreinte de poésie noire et d’images cinglantes, se dégage une vive habileté à dépeindre un japon acnéique instable, dont les comportements extrêmes sont tempérés par un romantisme lyrique, de façon à faire des jeunes chiens fous qui vocifèrent à l’écran les vecteurs authentiques d'une perdition étourdissante, peut être plus silencieuse dans la réalité, mais non moins destructrice.
Toshiaki Toyoda opte pour une mise en scène épurée qui s’appuie sur son solide sens de la composition. Ses caméras placées avec précision s’associent à son impertinent talent à choisir le point de vue singulier qui donnera le plus de percussion à la violence frontale qui assaisonne son film. D’une subtilité rare, cette dernière n’est jamais exploitée pour choquer gratuitement, au contraire, elle accompagne la beauté graphique de ses images pour dérouler un propos fait de fausses apparences.
Ce masque métaphorique arboré en société, qui est tout sauf le reflet de l’être tiraillé qui le porte, est au centre de son film. On peut avoir l'air d'un dur sans en être vraiment un, guidé par un désespoir qui transforme les traits pour en restituer une image erronée. Comme on peut être plus tempéré mais dangereux, à l'image du protagoniste, chef de gang malgré lui, propulsé à cette place uniquement par son sang froid à toute épreuve qui en fait le centre de cette attention qu'il essaye pourtant d'éviter.
On en vient à l'autre prouesse de Blue Spring, ses petites gueules avantageuses qui, par la force d’une direction d'acteur à toute épreuve, parviennent à dépasser aisément l’image peu rugueuse qu’on leur prête au prime abord. Les ados sont tous très convaincants, mention spéciale aux deux personnalités qui s'affrontent à coup de regards acérés et d’enchaînement de mandales dans ta tronche. Ryūhei Matsuda impose à l'écran son charisme et sa force tranquille tandis que Hirofumi Arai joue la carte de l'excès pour coller au côté versatile de son personnage. Une vraie réussite qui permet à cette histoire hors norme de s'imposer comme réelle dans les esprits. En tout cas, le message qu'elle véhicule chamboule les cœurs, visse les corps aux sièges jusqu’à les empêcher de se lever quand le générique de fin offre sa présence.
Blue Spring s'impose comme une oeuvre sans concession, qui sait rester à la fine frontière séparant l’exagération extrême qui lui serait nuisible de la sobriété maîtrisée. De cette harmonie remarquable surgit un élégant uppercut qui ne manque pas de se faire une place de choix dans les esprits à l'occasion d'un final mémorable. Une porte d'entrée en or massif dans l'univers d'un réalisateur qui a su craquer l’allumette qui éveilla en moi une féroce envie de découvrir ses autres films.