La Dame en noir (The Woman in Black), James Watkins, 2012
Coup de cœur pour ce ghost-movie à l'ancienne, produit par la mythique Hammer et qui a le mérite de revenir à un certain nombre de fondamentaux du film de maison hantée (ce qui peut être perçu comme une qualité ou une faiblesse, moi j'adhère totalement).
A l'instar de classiques du genre tels que
Les Innocents de Jack Clayton, le film de Watkins pose son intrigue en pleine époque victorienne, période particulièrement propice à des atmosphères d'épouvante gothique (brume, vieux manoirs poussiéreux, photos brunies, cimetière... tous les codes esthétiques sont là). Artistiquement, le film témoigne d'une remarquable maîtrise, la photographie est superbe, les plans sont bien choisis et esthétisés (voir par exemple l'arrivée à la maison des marais, avec cette iconisation du manoir), le réalisateur joue habilement des jeux d'ombre et de lumière, et -surtout- il prend le temps de balader sa caméra dans cette maison, afin d'instaurer progressivement un climat pesant et faire monter la tension. C'est quelque chose d'essentiel à mes yeux, et que beaucoup de films d'horreur actuels oublient : utiliser l'environnement comme un outil d'épouvante, afin qu'on perçoive avec appréhension chaque chaque recoin d'obscurité, dans la crainte de ce qui pourrait en surgir.
La Dame en Noir propose une véritable atmosphère, certes sans aller jusqu'à atteindre le génie d'un Kubrick sur
Shining ou d'un Amenabar sur
The Others, mais Watkins parvient grâce à sa mise en scène à instaurer un climat horrifique qui culmine à la moitié du film, où on subit une vingtaine de minutes particulièrement éprouvantes (quand Radclife décide de passer la nuit au manoir). Le film fait preuve alors d'une redoutable efficacité dans ses effets horrifiques, utilisant juste ce qu'il faut de jump-scares et multipliant les apparitions et autres éléments angoissants (les poupées...) à un rythme parfaitement dosé pour nous maintenir dans un état de tension constante pendant ces vingt minutes. Franchement, ça faisait longtemps qu'un film d'horreur n'avait plus aussi bien fonctionné sur moi, j'ai vraiment trouvé ça flippant. En plus, point fondamental s'il en est, l'apparence du fantôme est des plus réussie. C'est toujours délicat de trouver l'équilibre idéal pour une apparition spectrale vraiment effrayante, il y a toujours le risque d'en faire trop (des machins ridicules en CGI ou en latex) ou pas assez (un peu de talc sur le visage et des cernes noirs, comme dans les vieux films), mais ici cette dame en noir est juste comme il faut, et le réalisateur a le bon goût de ne jamais nous la montrer vraiment distinctement jusqu'à la fin du film. Bref, formellement, on est proche du sans faute et peu de films d'horreur bénéficient d'un tel soin dans leur réalisation.
Scénaristiquement, on pourra reprocher un traitement et un sujet somme toute ultra-classique. Ça ne m'a pas particulièrement gêné, tant j'étais heureux de retrouver ce que j'attends dans un film de fantômes, mais il est vrai que le film de Watkins ne sort pas vraiment des sentiers battus. L'utilisation des enfants ne choque plus guère vu bien d'autres films d'horreur ont proposé la même chose par le passé (
L’Échine du Diable ou
L'Orphelinat par exemple), et l'histoire de ce fantôme n'est pas non plus extraordinaire (une histoire d'esprit vengeur classique). Si ce classicisme clairement assumé ne m'a pas gêné, du fait de la maîtrise de l'ensemble, je reprocherai tout de même le dénouement un peu trop facile
Mais malgré ce manque d'originalité, la sauce prend et le film, s'il n'a pas la profondeur de
L'Enfant du Diable (où la recherche des origines du fantôme prenait des allures d'enquête digne d'un film policier), demeure captivant.
Un mot encore sur la prestation de Daniel Radcliffe, forcément attendu au tournant dans un tel rôle, tant on l'associe depuis des années à un certain sorcier à la cicatrice. Et bien, je serais assez mitigé. Oh, il n'est pas mauvais, on sent qu'il s'applique et qu'il croit vraiment en son personnage. Mais, même en faisant abstraction de son passé dans Harry Potter, il est clair qu'avec son allure d'adolescent, l'acteur n'est pas des plus crédible en père affligé par la perte de son épouse. J'avais ressenti le même genre de gêne dans
Shutter Island, où DiCaprio, malgré sa prestation exemplaire, me semblait trop lisse pour jouer ce personnage torturé et marqué. C'est un peu la même chose ici, je n'irai pas jusqu'à parler d'erreur de casting mais le personnage principal manque clairement de charisme, et s'efface du coup devant la tournure des évènements et les apparitions spectrales.
Au final, et en dépit de ses quelques faiblesses de scénario et de casting, je reste sous le charme de cette
Dame en Noir qui m'a offert quelques belles frayeurs et une plongée dans une ambiance véritablement angoissante. Contrairement aux deux derniers films d'horreur que j'ai critiqué (
Poltergeist et
Insidious), j'ai retrouvé ici précisément ce que j'aime dans les films de fantômes : cette capacité à créer une atmosphère, le refus du spectaculaire et du grand-guignol et un charme délicieusement rétro. A mes yeux, l'un des meilleurs films de fantôme de ces dernières années.
8/10