La Liste de Schindler |
Réalisé par Steven Spielberg Avec Liam Neeson, Ben Kingsley, Ralph Fiennes Drame - USA - 1994 - 3h15 |
9/10 |
SynopsisEvocation des années de guerre d'Oskar Schindler, fils d'industriel d'origine autrichienne rentré à Cracovie en 1939 avec les troupes allemandes. Il va, tout au long de la guerre, protéger des juifs en les faisant travailler dans sa fabrique et en 1944 sauver huit cents hommes et trois cents femmes du camp d'extermination de Auschwitz-Birkenau.
CritiqueSteven Spielberg offre une oeuvre qui joue sur la sobriété esthétique pour mieux mettre en valeur cette histoire forte qui n'avait nul besoin d'une mise en scène démonstrative. Du noir et blanc épuré, un film qui est très réaliste jouant sur la double personnalité des deux Allemands tous puissants et la détresse du peuple Juif dont le destin est entre leurs mains.
Un métrage qui offre à la fois un aspect documentaire notamment par le noir et blanc, une reconstitution minutieuse mais aussi pas mal de romanesque permettant une empathie plus forte mais avec un point de vue inédit.
Spielberg ne cherche pas à aligner les drames humains multiples mais il se focalise sur la destinée d'une dizaines de personnes.
Une première partie introductive basée sur la présentation d'Oskar Schindler mettant en évidence tous défauts : vanité, hypocrisie, il trompe sa femme, ne pense qu'à s'auto-promouvoir auprès des puissants à coup de cadeaux et de pots de vins avec toujours des arrières pensées malsaines. En gros, c'est un Allemand égoïste bien intégré au système qui a tout compris et qui en profite un maximum et qui aurait pu vivre aux crochets de cette société opportuniste pendant encore longtemps pour prospérer sans le moindre risque. Un homme plutôt introverti et manipulateur qui arrive presque toujours à ses fins en faisant jouer ses relations.
Ralph Fiennes a de nombreux points communs avec Schindler, il sait se fondre dans le système et en profiter, et il va même au delà car il est tout puissant sur son camp et est libre de ses gestes même les plus ignobles, comme tuer quelqu'un qui a dit un mot de travers ou qui ne veut pas dénoncer son prochain ou encore se la jouer sniper fou sur la première croix jaune qui passe. Malgré cette apparence d'une extrême froideur et cruauté qui vit dans sa bulle avec un extrême détachement envers sa fonction et ses décisions, Amon Goeth laisse apparaître une certaine fragilité et une attirance secrète et interdite envers sa servante juive, tiraillé entre son idéologie nazi et ses pulsions humaines.
Steven Spielberg nous montre de façon réaliste les rouages du système où la collaboration est une des seules façons de s'en sortir si on est né Juif. Il reconstitue ainsi les ghettos, les camps de concentration, les usines où règne rudesse de vie et frayeur quelque soit le sexe ou l'age. La solidarité se fait rare devant un système de terreur qui prône l'asservissement et la dénonciation, pourtant le cinéaste ne blâme pas les collabos anonymes de façon très appuyée.
Spielberg préfère largement montrer les survivants que les victimes.
Un fort sentiment d'immersion est crée et permet de ressentir la promiscuité, l'osmose des émotions des prisonniers face à leurs bourreaux et leur destin jouant sur l'imaginaire du spectateur en ne montrant pas toute la monstruosité du contexte mais en le suggérant.
L'entrée dans les camps de la mort sous une sorte de neige qui rend l'image sublime est en fait une pluie de cendres issues de cheminées n'a rien de magique, un beau détournement de la part du cinéaste.
Les dialogues sont ciselés, ne tombent jamais dans le pathos car les regards des acteurs sont parfois plus forts que les mots.
Le film prend un tournant lorsque Schindler prend conscience que le peuple Juif n'est pas qu'une masse de travailleurs mais sont avant tout des individus singuliers. L'industriel se rend compte de l'inhumanité de la Shoah et petit à petit tente de continuer à utiliser le système pour manipuler et amadouer ses compatriotes sans jamais s'en faire des ennemis. Progressivement, il arrive à changer le destin de certains Juifs et voit que son système peut prendre beaucoup plus d'ampleur et que sa pauvre vie de profiteur puisse servir quelques hommes.
Un métrage digne en dessous des horreurs de cette période qui nous prend aux tripes mais ne lâche pas l'attention du spectateur par son rythme très bien géré, son casting brillant et une mise en scène exemplaire.