Saya Zamuraï |
Réalisé par Hitoshi Matsumoto
Avec Takaaki Nomi, Sea Kumada, Itsuji Itao
Comédie dramatique, Japon, 1h43 - 2011 |
8/10 |
Résumé : Kanjuro Nomi est un samouraï sans sabre, répudié par tous et errant misérablement sur les routes avec sa fille depuis qu’il a refusé de combattre. Tombé entre les mains d’un seigneur aux désirs excentriques, il est condamné à mort, à moins de relever un ultime défi : faire naître un sourire sur le visage triste du jeune prince. Chaque matin, pendant 30 jours, il met donc en scène un nouveau spectacle.
Troisième incursion de suite dans l'univers de Matsumoto, et me vient ce constat : tout ce qu'il touche se transforme en or. Il a ce talent de travestir tous les genres (Sf, monstres, puis ici samouraï) que je n'ai trouvé nulle part ailleurs, hormis peut-être Edgar Wright pour les Etats-Unis. Comme ce dernier, très respectueux de ce dont il traite, il gère avec génie les ruptures de ton, jusqu'à une fin inattendue qui m'a réellement retourné.
Le premier registre auquel ce film s'attaque est la comédie décalée, nous mettant en terrain connu pour tous ceux qui auraient découvert le magnifique
Eté de Kikujiro avec cette histoire d'un yakuza looser qui a pour objectif d'amuser un petit garçon solitaire. Ici il s'agit d'un samouraï apparemment bon à rien, fuyant sans succès ses ennemis qui, comme dans
Baby Cart, le croisent sur sa route avec des techniques aussi diversifiées que mortelles. L'impact de violence surprend à chaque fois, là où d'habitude le héros évite le coup. Suivi par sa petite fille, cette dernière ne cesse de le rappeler qu'il vaut mieux mourir en samouraï si on ne peut se battre comme tel. L'inversion des rôles est totale, et une telle franchise surprend aussi de sa part.
Vient ensuite le coeur du film : faire rire un jeune Seigneur en 30 jours. On retrouve ici un charme commun à Kitano et Matsumoto, avec une série de gags plus ou moins grossiers ou drôles. Or, la grosse erreur à commettre serait de réduire ce film à une pure comédie. Ce qui s'apparente à des sketchs présentés au jeune Seigneur qui a perdu le sourire, est très rapidement ramené à la relation entre le samouraï, sa fille, et les deux gardes, qui s'évertuent petit à petit à attiser le courage du malchanceux. On se prend à s'attacher à chacun d'eux, non pas pour les rires qu'ils vont ou pas réussir à nous faire sortir, mais pour toute l'énergie et l'inventivité déployées à cette fin. D'ailleurs, l'ouverture du "spectacle" au grand public peut très bien être prise comme métaphore de notre implication personnelle. D'autre part, les flash-backs et les explications tardives complètent le tableau, et touchent de plus en plus aux cordes sensibles.
La réussite du film, on la doit beaucoup à la bouille du personnage principal complètement anachronique avec ses lunettes, son air ahuri, et ses mimiques qui n'ont rien d'un samouraï, lui donnant l'allure d'un véritable clown malgré lui. Et aussi à l'implication de la jeune actrice, qui devient le véritable coeur à conquérir dans cette relation filiale, et donc l'enjeu principal du film. A la limite, le seul reproche que je pourrais faire, c'est la présence bouffonne ou burlesque des trois tueurs qui s'avère parfois saoulante, mais qui "colle" finalement bien à l'esprit du film, consistant à retrouver notre âme d'enfant en dépit de la douleur. Enfin, la réalisation et la BO sont jolies et respectueuses du genre, au service des petites inventions visuelles de Matsumoto et de l'émotion.
Plus qu'une comédie, une originale et touchante évocation des douleurs de l'enfance, tout en respectant les codes du genre.