The Grandmaster, de Wong Kar-wai (2013) L'histoire : Récit de la vie de Ip Man, maître légendaire de wing chun et futur mentor de Bruce Lee, dans la Chine des années 1930-40 jusqu'au début des années 1950, lorsqu'il commence à enseigner son art à Hong Kong et croise sur son chemin différents maîtres...Si
2046 avait constitué un aboutissement pour Wong Kar-wai, tant sur le plan thématique qu'esthétique, celui-ci avait montré ses limites avec
My Blueberry Nights, son expérience américaine qui s'apparentait à un radotage paresseux. Le voir s'attaquer à un
kung fu pian, des années après ses incursions dans le polar (
As Tears Go By) et le
wu xia pian (
Les Cendres du temps) avait donc quelque chose de rassurant et d'intrigant : l'homme, sans doute, souhaitait s'attaquer à ses thèmes habituels en empruntant un chemin détourné pour éviter de se répéter. Inutile d'espérer un film de kung fu classique de la part du cinéaste aux lunettes noires, sous peine de déchanter :
The Grandmaster se penche avant tout, comme ses précédents films, sur des destins brisés et des amours impossibles. Le traitement du sujet s'éloigne donc de ceux opérés par Wilson Yip et Herman Yau, qui s'étaient déjà penchés sur la vie du maître de Bruce Lee.
Impossible, toutefois, de faire l'impasse sur les scènes de combats lorsque l'on pose un regard critique sur un
kung fu pian, aussi atypique soit-il dans ses intentions et son exécution. Peu importe le talent du metteur en scène ou le génie du chorégraphe Yuen Woo-ping : le montage cut et les excès de ralentis ne parviennent pas à masquer les inaptitudes martiales des interprètes principaux et les combats, s'ils bénéficient d'une esthétique qui flatte les rétines, font peine à voir et finissent par agacer. Et ce n'est pas le traitement du personnage d'Ip Man qui rattrape cette lacune : Wong ne nous apprend rien de plus par rapport aux films de Wilson Yip et à celui de Herman Yau, il radote et reste à la surface de l'icône. Pire encore, Tony Leung livre une composition médiocre : apparemment peu concerné, il fait pâle figure comparé à Donnie Yen. Un constat inattendu, tant ce dernier n'arrive pas à la cheville du premier sur l'ensemble de sa carrière.
Entre abus d'ellipses et personnages sacrifiés, conséquences d'un tournage que l'on sait interminable et chaotique (blessure de Tony Leung), Wong Kar-wai ne trouve son salut qu'avec le personnage de Zhang Ziyi. L'actrice, grâce incarnée, donne vie à un personnage dans la plus pure tradition de son cinéma : fille d'un maître de kung fu qui vit pour son art et à qui l'amour, la vie de femme, semble interdit. Ip Man et les autres personnages finissent par s'effacer, par rester à la marge pour l'observer et c'est ici que réside l'intérêt de
The Grandmaster, qui a tout du grand film raté. En lieu et place d'une grande saga sur le kung fu, le cinéaste s'intéresse à la petite histoire, ce qui lui convient bien mieux. Parfois ennuyant, souvent magnifique, ce grand film malade trouve son salut lorsqu'il joue la carte de l'émotion, lorsqu'une larme coule et non lorsque les coups de poing pleuvent.
Note : 6,5/10