Chinatown, Roman Polanski, 1974
Nouveau visionnage de ce film qui m’avait foutu une belle claque quand je l’avais découvert il y a de ça quelques années, et qui avait tout bonnement initié ma passion pour le film noir US des années ‘40/’50. Depuis, j’ai vu un bon paquet de films du genre et je me demandais comment je percevrais désormais le film de Polanski. Et bien, celui-ci n’a absolument rien perdu à cette seconde vision et reste à mes yeux un chef d’œuvre qui dépasse très largement le statut de film-hommage pour s’imposer par ses propres qualités de mise en scène et de scénario.
Bien qu’il s’agisse ouvertement d’un hommage aux films noirs des années ‘40/’50,
Chinatown offre un habillage résolument moderne, avec couleur et scope. Un choix en totale contradiction avec l’esthétique « noir » traditionnelle, d’autant que le film fait la part belle aux environnements ensoleillés. La photographie est d’ailleurs d’une grande classe, très lumineuse, afin de retranscrire la chaleur écrasante de l’arrière-pays californien marqué par la sécheresse (un élément essentiel du scénario). Polanski, immense cinéaste, impressionne une fois de plus par sa capacité à instaurer une ambiance, un climat étouffant qui apporte la noirceur nécessaire à un scénario résolument brillant. Sur ce point, on est clairement au-dessus de la plupart des films noirs classiques, le script est d’une grande richesse et d’une fluidité exemplaire en dépit de sa complexité (pas de plot holes ou de raccourcis faciles comme dans certaines références de l’Âge d’Or), l’enquête est d’une remarquable cohérence et les personnages sont superbement écrits. Jack Gittes est l’archétype du privé et Nicholson apporte une densité et un côté trouble à ce personnage, dont les références constantes à son passé à Chinatown apportent une part de mystère qui renforce l’intérêt qu’on éprouve à son égard. Face à lui, Faye Dunaway, alors au sommet de sa beauté, est juste parfaite, loin d’être une simple femme fatale chère au genre, c’est au contraire un personnage trouble et ambigu, marqué par un terrible secret qu’on prend vraiment en pleine face lorsqu’il finit par être dévoilé. Enfin, et malgré son temps de présence à l’écran assez limité, John Huston en impose par son charisme et l’ombre de son personnage pèse véritablement sur tout le film, d’où l’importance d’une personnalité marquante pour l’interpréter. Enfin, last but not least, le film se termine sur un final éprouvant, à mille lieue des happy-end du bon vieux temps mais tellement plus juste, plus en phase avec l’ambiance vénéneuse et désespérée du film.
Un mot encore sur le score magnifique de Jerry Goldsmith, avec un thème principal envoutant et mélancolique qui nous immerge directement dans l’ambiance des années ’30.
Pour moi l’un des meilleurs films de Polanski si ce n’est le meilleur, et tout simplement l’un des plus grands films noirs (en ce compris noirs classiques et néo-noirs) de l’histoire du cinéma.
9/10