Bouah, après visionnage de ce polar noir ultra sombre, on comprend aisément le statut dont il jouit. Porté par un Michael Caine toujours aussi impérial dont le charisme naturel crame l'écran chaque fois qu'il y apparaît, Get Carter est une oeuvre comme on n'en voit plus, généreuse à tous niveaux et surtout sans compromis. Mike Hodges avec ce premier film proposait au public anglais non seulement une histoire aboutie et passionnante, mais surtout un traitement jusqu'au-boutiste d'un personnage on ne peut plus hors norme.
Pas question pour lui de mettre en scène un héro, John Carter est un larron peu fréquentable, un salaud de la pire espèce auquel on s'attache malgré tout. En dépit des pires saloperies qu'il va faire dans le film, on n'a qu'une envie, qu'il mène sa quête vengeresse jusqu'au bout, sans souffrir d'une seule égratignure. C'est à mon sens le tour de force de Get Carter que de nous faire aimer un personnage qu'on détesterait habituellement s'il n'était pas au centre de l'histoire. Hodge, en le montrant tour à tour impitoyable, mais également plaisantin et tombeur de ces dames, avec une aisance qui fera des jaloux, construit un personnage bel et bien violent mais également sympathique. Il peut donc, une fois ce dernier adopté par le spectateur, lui autoriser quelques égarements. Chose qu'il fera sans prendre de gant, à notre grand plaisir d'ailleurs.
Chose surprenante également pour un premier film, cette maîtrise qui en ressort dans sa mise en scène. Certains passages sont très inspirés et l'ensemble est de belle tenue. On est absorbé dès le début par des ambiances poisseuses à souhait, qui savent changer de registres le temps d'un plan bien senti. On passe avec naturel des rues cradasses de Newcastle à la chaleur d'une chambre à coucher, des têtes qui prennent des bastos aux corps qui s'enlacent le temps d'une petite scénette érotique pleine de charme. C'est déroutant mais également fascinant, en tout cas si peu habituel qu'on se laisse prendre au jeu sans broncher.
Avec Get Carter, Mike Hodges offrait au cinéma un film assumé dans sa violence, inspiré dans sa réalisation et habité par un acteur qu'on ne présente plus, l'excellent Michael Caine. De quoi se construire une réputation solide, en tout cas rester dans les souvenirs de tout amoureux de ces polars hard boiled à l'ancienne. On se prend même, devant ce genre de bobine sans complexe, à rêver d'un cinéma contemporain qui renouerait avec ces personnages patibulaires mais sympathiques, pris dans des histoires qui ne s'alambiquent pas inutilement et se contentent d'être cohérentes, voir passionnantes. Et puis, comment ne pas évoquer ce final percutant, qui vous figera sur votre canapé, la mâchoire grippée, les yeux écarquillés à l'occasion d'une révérence pleine de panache comme on n'en fait plus.