Sailor et Lula, de David Lynch (1990) L'histoire : Sailor et Lula s'aiment d'un amour fou, total et absolu. Mais cet amour rencontre des oppositions et doit résister à la folie et à la violence du monde qui les entoure...En attribuant la Palme d'Or à
Sailor et Lula en 1990, le jury cannois présidé par Bernardo Bertolucci a consacré l'univers de David Lynch sur la scène internationale. Beau parcours pour ce cinéaste atypique qui, après des débuts confidentiels (
Eraserhead), s'était quelque peu perdu avec des films de commande plus ou moins impersonnels (
Elephant Man et
Dune). Le prix, bien sûr, fut contesté, et Lynch reçut sa Palme sous quelques sifflets qui l'amusèrent : l'artiste et sa création, c'est une évidence, ne pouvaient que diviser.
Sailor et Lula reste, aujourd'hui encore, son oeuvre la plus romantique, avec ce couple dont l'amour ressort d'autant plus que tout, autour de lui, semble contaminé par la folie d'une époque. Personnages tout droit sortis d'un
soap opera sous acides, gangsters caricaturaux : Lynch n'a jamais cessé de manipuler ses interprètes comme des marionnettes, de les pousser à la frontière du surjeu afin d'appuyer ses thématiques.
A l'origine du film, un roman de Barry Gifford à l'intrigue anémique et au style minimaliste. Pour en tirer un long-métrage, David Lynch va davantage ajouter que retrancher : références au Magicien d'Oz et aux films d'Elvis Presley, qui accentuent la naïveté de l'ensemble, et omniprésence du feu.
Sailor et Lula, comme tout conte de fées qui n'a pas été javellisé par Disney, ne pouvait que se dérouler dans un univers noir, où l'ultra-violence et le gore tutoient les discussions post-coïtales infantiles de jeunes amoureux (un brin longuettes, parfois) Ennemis de la rupture de ton, fuyez, car ce film ne propose pas autre chose. Une scène le résume : celle où l'héroïne, écoeurée par la violence dont parlent les informations, ressent le besoin de se défouler avec celui qu'elle aime. Ils dansent sur un morceau de
heavy metal, qui cède sa place à de la musique classique apaisante. Un regard et tout est dit : ils s'aiment et rien ni personne ne pourra malmener ce sentiment, si ce n'est eux-mêmes.
Ce film baigne tout autant dans l'eau de rose que dans le sang... Moins maîtrisé que
Lost Highway et
Mulholland Drive,
Sailor et Lula demeure toutefois un film aussi foutraque qu'attachant.
Note : 7,5/10