Crimes à Oxford, d'Álex de la Iglesia (2008) L'histoire : Un étudiant américain arrive en Angleterre pour écrire une thèse de mathématiques à l'université d'Oxford. Mais la vieille femme qui le loge se fait assassiner quelques jours plus tard. Il mène alors l'enquête en compagnie d'un professeur qui le fascine...La participation d'Álex de la Iglesia à la série télévisée espagnole
Películas para no dormir en 2006, pour l'épisode
La Chambre du fils, histoire horrifique sans intérêt, laissait deviner que le cinéaste espagnol ressentait le besoin d'explorer d'autres territoires, de s'éloigner de son style habituel de fou furieux pour éviter de se répéter et, on le sait à présent, puisqu'il a réalisé
Balada Triste, pour mieux le retrouver. Il convient donc de considérer ce
Crimes à Oxford non pas comme un film impersonnel, ce qu'il n'est pas, ni comme une tentative de séduire le marché international,
Perdita Durango ayant prouvé, quelques années plus tôt, que de la Iglesia refusait tout compromis commercial, mais bien comme une parenthèse récréative. Un statut qui ne lui refuse aucune qualité, mais qui devrait préparer tout fan du cinéaste avant la découverte de ce film, qui ne pourrait que le décevoir s'il s'attendait à retrouver tous les
gimmicks de ce dernier.
Nous sommes ici en présence d'un
whodunit qui prend pour cadre une célèbre université britannique : inutile, donc, de s'attendre à une enquête qui sent le bitume, car celle-ci a plutôt l'odeur d'un bon vieux livre. Ce qui risque de décontenancer plus d'un spectateur qui se perdra à force d'entendre de nombreux dialogues, basés sur la recherche mathématique, dialogues qui tentent, tout au long de l'intrigue, d'interroger les théories de Wittgenstein. Barbant ? Non, car l'affrontement de deux cerveaux, celui du maître et celui de son élève, se regarde ici comme une partie de tennis, ou plutôt de squash, qui voit ces protagonistes se renvoyer des idées à la place d'une balle, de plus en plus vite et de plus en plus fort.
Et si les courbes affriolantes de Leonor Watling peuvent détourner l'attention, sachez bien que toutes les réponses sont pourtant données, notamment à travers deux histoires illustratives qui voient le cinéaste abandonner son style académique pour retrouver sa maestria. Car oui, inutile de se leurrer, le film, visuellement, se révèle le plus souvent anecdotique. A tel point que certains séquences déçoivent, tant elles auraient dû être mises davantage en valeur par de la Iglesia, notamment la
Guy Fawkes Night ou la séquence du bus. Mais l'interprétation sauve l'ensemble : Elijah Wood a bien une vie après Frodon, Leonor Watling parvient à donner de l'épaisseur à un personnage qui, sur le papier, aurait pu se révéler anecdotique (non, ce n'est pas seulement une question de physique), et John Hurt bouffe l'écran à chacune de ses apparitions. En professeur génial, baratineur et
showman de première, il vole toutes ses séquences.
En résumé : un jeu de Cluedo dont je ne comprends pas la triste réputation, tant celui-ci m'a captivé du début à la fin. Et un film moins impersonnel qu'il n'y paraît, celui-ci mettant bien en scène des
freaks, comme Álex de la Iglesia l'a toujours fait. Des
freaks plus présentables, certes, mais des
freaks malgré tout.
Note : 7/10