8/10
Red River de Howard Hawks - 1948
Pour son premier western Hawks s'associe avec le meilleur scénariste/romancier de l'époque à savoir Borden Chase (
Vera Cruz et
Winchester 73 pour ses meilleurs taf, à noter que pendant sa jeunesse le type a bossé pour la pègre ) et il signe peut être bien son meilleur western, bon c'est kif kif avec Rio Bravo mais dans Rio Bravo on a le jeune acteur qui plombe par moment le film et c'est bien dommage et c'est ce qui l'empêche à mes yeux d'avoir ce statut que beaucoup lui accorde de très grand western.
D'ailleurs c'est drôle quand on parle de Hawks on parle souvent de western alors que finalement c'est un genre qu'il a abordé assez tard et il en a pas fait tant que ça ( en comparaison de Ford ou Mann ) et d'ailleurs on l'associe ptet plus à un Scarface qu'à un western alors que Ford ou Mann c'est immédiatement associé western.
Quand on regarde un film de Chase on sait qu'il y aura un gros soucis d'authenticité à tout ce qui touche à la vie dans l'ouest ( et ici c'est tiré d'un fait réel ) et donc ici après l'intro ( très réussie et surtout très importante pour la suite, cette première demi heure est exemplaire en terme d'enjeu et de caractérisation, dans l'intro le perso de Wayne refuse quand même d'aller sauver la femme qu'il aime, d'emblée ça pose le personnage ) on va donc suivre le convoi de bétail à travers tout le pays et on rencontrera donc les péripéties habituelles de ce genre de film : météo récalcitrante, rivière à traversé, bétail qui charge, indiens, mutinerie, enfin tout ce qu'il faut pour qu'on ne s'ennuie pas ( malgré un rythme très tranquille ) et donner un coté épique au film. Et mine de rien le film de convoi, qui est un sous genre du western, est l'ancêtre des road movie qu'on se bouffe à longueur de temps depuis.
Alors oui le film aurait surement gagné à ne pas céder au happy end mais bon ça reste quand même cohérent avec les personnages, Wayne n'allait quand même pas abattre celui qu'il considère comme son fils, sa colère a des limites et c'est bien retranscrit car on est pas devant un récit de vengeance mais bien de filiation ( mais la fin dans le roman est différente ), du coup la fin c'est un peu un anti climax un peu frustrant ( on nous dit pendant 1h qu'il va les retrouver, qu'il a engagé des gars mais au final bien rien ).
La mise en scène de Hawks par moment ça frise le génie, on retiendra la scène d'adieu entre Wayne et sa copine, le 360 où Wayne regarde son bétail avant le départ du convoi, la traversé de la rivière avec caméra embarqué dans un chariot, les 2 scènes au coin du feu où ça sort les colts ( la première avec Wayne qui compte encore des alliés et la seconde où tout le monde est contre lui ), bon par contre on fermera les yeux sur la scène avec les cavaliers allant prêter mains forte au convoi attaqué par les indiens.
Qui dit film avec Wayne dit forcément une petite bagarre à main nue et elle est bien là et plutôt réussié ( ça reste encore bien dynamique ).
La photo N/B est splendide ( en plus le blu ray est magnifique ), les plans nocturnes et ceux avec le soleil traversant les nuages sont à tomber.
Dans un rôle que Gary Cooper a refusé ( ne voulant surement pas casser son image de beau héros américain ), à la place on a donc ce méchant raciste pas beau de John Wayne qui trouve ici un des ses meilleurs personnages ( avec la Prisonnière du Désert et
Liberty Valance, et à chaque fois c'est du perso antipathique finalement ), il est plus que le Duke, il est ici un vrai personnage avec ses fêlures et l'évolution de son personnages se révèle intéressante, les passages dans le camp il est vraiment tyrannique et même sans pitié, il est très bon : "Cherry was right. You're soft, you should have let 'em kill me, 'cause I'm gonna kill you. I'll catch up with ya. I don't know when, but I'll catch up. Every time you turn around, expect to see me, 'cause one time you'll turn around and I'll be there. I'm gonna kill ya, Matt. "
Montgomery Clift jusqu'à présent j'avais jamais été convaincu (notamment dans le Hitchcock pérave), je le trouvais toujours en surjeu ou effacé et ici c'est la révélation, je le trouve charismatique et vraiment bluffant du début à la fin, il tient la dragée haute à Wayne ce qui n'est pas une mince affaire quand même et c'est fou de se dire que son meilleur rôle et de loin c'est le premier qu'il a eu car après c'est vraiment pas marquant, Walter Brennan est forcément là pour la partie légère du film et une fois de plus ça fonctionne bien que son perso soit un cliché ambulant, on guette ses bons mots et ses mimiques ( la scène où il signe le contrat est mémorable ) de plus le personnage évolue bien ( la séquence où il dit ses 4 vérités à Wayne ) et en plus il répond au nom de Groot, John Ireland est superbement introduit, on se dit tient voilà qui pourrait amené un réel plus au film et finalement non malheureusement le personnage ne sera pas super exploité ( alors c'est le tueur sans pitié de l'équipe, c'est aspect est finalement jamais traité et c'est dommage ) d'ailleurs le rôle a été proposé à Cary Grant qui l'a évidemment refusé au vu de l'épaisseur du rôle, dans les autres rôles on retrouve des figures habituelles de l'époque : avec Harry Carey Jr et Noah Beery Jr, et puis on a Joanne Dru, alors sa première scène est super mais voilà après c'est le personnage féminin cliché du western et l'histoire d'amour plombe un peu la dernière demi heure alors que jusque là c'était un film 100% mâle ( et c'est con l'orientation dans le roman est nettement plus intéressante avec un perso qui cède au chantage financier ).
La BO de Dimitri Tiomkin est tout simplement mémorable.
Alors c'est pas un chef d'oeuvre, mais on est devant une oeuvre charnière du genre avec Wayne qui s'affirma définitivement comme un grand acteur avec ce film et le western allait pouvoir désormais emprunter des sentiers plus sombre et moins manichéen via Anthony Mann entre autre.
Un super western, un super film et un film qui montre qu'on a pas besoin de CGI a 100 millions pour faire vieillir des personnages (coucou Marty).