Oz, The Great And Powerful (Le Monde Fantastique d'Oz) de Sam Raimi
(2013)
Comme le laissait présager toute la promotion du film, on est en face d'un essai quelque peu gênant pour quelqu'un comme Sam Raimi qui, jusque là, avait toujours réussi dans ses œuvres de commandes a imposer sa vision du sujet traité (les Spider-Man). Sorte de préquelle au film original de Victor Fleming, Oz The Great and Powerful se veut être le croisement entre l'hommage au cinéma d'aventure fantastique naïf des premiers temps et l'épopée contemporaine à grand renfort d'univers en CGI façon Alice in Wonderland version Tim Burton. La comparaison, loin d'être flatteuse, est loin d'être totalement fausse, puisqu'on retrouve dans les deux projets ce même déroulement conventionnel propre aux productions Disney. Sauf que là où dans le film de Burton il n'y avait rien à sauver, il est dommage de constater que l’œuvre de Raimi aurait pu, sans Disney, être un excellent film, puisqu'il s'inscrit dans une logique de rendre hommage au média cinématographique dans sa totalité, de la même façon qu'avait pu le faire le Hugo de Scorsese il y a un peu plus d'un an.
Ainsi, on se retrouve donc avec une première demi-heure qui renvoie directement à l'introduction de Wizard of Oz, avec l'utilisation du 1.33 et du noir et blanc pour aller de pair avec la vision froide du monde de tout les jours, où la magie n'est qu'illusion et où l'homme, en apparence, est foncièrement mauvais. Une introduction pertinente qui renvoie directement au cinéma des premiers temps (on y cite Edison et les premiers mécanismes d'animation de l'image) qui pose les bases d'un récit ambitieux (chaque personnage retrouvant un double dans le monde d'Oz où ses thématiques propres seront travaillées puis élucidées) et où Raimi se fait véritablement plaisir, notamment via la séquence de la tornade qui se révèle réellement impressionnante. Hélas, passée l'introduction du monde d'Oz (avec quelques effets 3D très réussis et un premier plan de toute beauté où l'on passe progressivement à la couleur et en 2.35), le film dévoilé son vrai visage à partir de l'entrée en scène du personnage de Mila Kunis. A partir de ce moment là, le film est véritablement condamné à n'être qu'une vitrine technologique pas si impressionnante que ça (le monde en question n'étant jamais convaincant, à la différence d'un film comme Avatar) et dont la niaiserie est définitivement sans pareil, malgré la volonté de Raimi de placer quelques éléments plus sombres par moments.
La direction artistique fonctionne aussi de la même façon, en témoigne le personnage de la sorcière, voulu comme un hommage direct au film original et à l'imagerie des contes pour enfants. Les premiers plans en ombres chinoises en font un personnage directement menaçant et dès que l'actrice apparaît grimé en gros plan , le tout paraît ridicule et involontairement drôle. Il y a donc un véritable contraste qui transparaît tout le long du film, celui d'un auteur qui tente vainement de faire quelque chose d'intéressant avec l'univers qu'il a entre les mains, pendant que la production Disney lui impose une imagerie peu inspirée et un script où tout se voit venir à l'avance. Même le casting n'arrivera pas à sauver l'entreprise, James Franco a déjà été plus convaincant (c'est d'autant plus dommage que le rôle est clairement affilié à Sam Raimi lui-même), le casting féminin inexistant (mention spéciale à Mila Kunis qui prouve à quel point elle peut être une très mauvaise actrice) et ce sont finalement deux personnages virtuels, le singe et la fille de porcelaine, qui sont ceux qui font transparaître le plus d'émotions à l'écran (la découverte de la seconde est particulièrement envoûtante). Même le caméo de Bruce Campbell ne retiendra pas l'attention.
Reste donc un climax final, original dans sa façon de présenter le cinéma comme une arme du spectaculaire (avec une mise en abyme de la 3D à la clé, par ailleurs celle-ci est un peu trop utilisée comme un instrument gratuit par Raimi) qui donne une idée de ce qu'aurait pu être la totalité du métrage. Disney en a, hélas, décidé autrement. Un film profondément inégal dans ses convictions et sa conception, et qui laisse espérer que Raimi s'en tiendra là quand à sa collaboration avec Disney. Pour le coup, sa participation à l'adaptation de World of Warcraft aurait clairement pu donner quelque chose de bien plus fructueux et convaincant.
NOTE : 5/10