La donation |
Réalisé par Bernard Emond |
7.5/10 |
Résumé :
Alors que le premier film incarnait une sorte de fuite de l'âme, et le second une résistance des corps contre l'adversité, le troisième est celui de l'acceptation et de la responsabilité. Acceptation d'abord de cet appel enfoui au plus profond de Jeanne, mais aussi de ce terroir québécois, capturé par une caméra qui met en valeur cette géographie austère, terre des pionniers, et dont la beauté doit s'apprivoiser souligne le Dr Rainville. L'esthétique sobre et simple mise en oeuvre reflète une vraie philosophie du regard qui s'expurge de toute image en trop. Et de cette réserve, le film en est rempli, gardant ses respectueuses distances avec les personnages et s'intégrant dans leur intimité pas à pas, jusqu'à capturer leur fragilité gravée sur les visages, la tendresse de leurs rapports, où chaque geste simple est investi d'un sens sacré immanent. Bref, la condition humaine dans toute sa splendeur et gravité.
Le film est centré sur Jeanne qui visite des patients à domicile, à l'hôpital, ou dans la rue. Nous découvrons ainsi la pratique médicale de l'intérieur, sans fards mais avec discrétion, à la rencontre de situations assez variées et intéressantes (violence, avortement, drogue, maladie d'un riche vivant isolé, celle d'une mère ...) qui exige souvent une belle dose de jugement, guidé par la valeur de la dignité humaine. Jeanne, en répondant à l'appel du médecin qui veut prendre sa retraite, touche à des questions très actuelles sur la médecine de proximité (dans un rapport ancien/héritier à la manière de Barberousse) : jusqu'où peut-on côtoyer la douleur humaine sans se faire mal ? Où mettre la limite ? Une seule réponse donnée en retour : "il faut servir" (cette trilogie, plus qu'une belle revisitation humaniste du christianisme, est donc surtout un cri silencieux de résistance contre les valeurs dominantes de notre société, surtout l'individualisme). Et une consolation : la vie se renouvelle à travers la nature ou son prochain (avec une dernière image lourde de symbole). En outre, c'est un véritable film-somme (thèmes communs : perte de sens, handicap, culpabilité ...), qui n'oublie pas de conclure (chacun a trouvé sa place ou est en chemin).