Je lève mon verre à Mr Rochant !
De mémoire, je crois que je n'ai jamais été initié au cinéma d'Eric Rochant. Certains le houspillent de pâle copieur, d'autres disent de lui qu'il est l'un des cinéastes français les plus doués de sa génération. Il faut bien avouer qu'en terme de mise en scène et des scénario bétonné, personne ne se bouscule au portillon du cinéma français. Alors quand Rochant vient trouver les spectateurs français en leur proposant un film d'espionnage international qui semble bâti autour d'un solide scénario et d'un duo d'acteurs excellent, il est difficile de faire la fine bouche et de lui préférer Boule & Bill ou Turf.
Jean Dujardin prouve encore une fois qu'il est l'un des meilleurs acteurs français en activité.
Möbius prend le temps de poser son atmosphère paranoïaque et brumeuse. Par contre, le cinéaste choisit d'y aller franco en introduisant en deux courtes scènes ses deux protagonistes. Car plus qu'un film d'espionnage pur et dur, c'est une romance compliquée qui nous est délicatement amenée. Et cette surprise pour le moins inattendue à de quoi déjouer les attentes du spectateur venu voir quelque chose de pêchu mais aussi de le décevoir si, par la tournure adoptée, Rochant ne convint pas son public. Même si Jean Dujardin et Cécile de France assure les arrières du réalisateur, le pari est risqué. D'autant plus qu'il n'est pas très prolifique et que son dernier film, aussi amusant soit-il, était une comédie passée inaperçue.
Les scènes de sexe sonnent vraiment juste, même si les mimiques de l'actrice prêtent à sourire.
Venimeuse et déroutante, l'histoire d'amour entre ces deux partis pris (l'un par son travail, l'autre par son pays) détonne dans un univers habitué à la tension et l'action. Dans Möbius, tout est posé, calme et jamais frondeur. Mais lorsque la situation le réclame, Rochant parvient à nous pondre l'un des meilleurs passages du film où l'agent russe qu'incarne notre frenchy va laisser exploser son amour pour la belle financière dans une bagarre cloisonnée admirablement filmée. Egalement scénariste, le cinéaste mesure la justesse de sa mise en scène tel un chef d'orchestre qui jouerait de tous les instruments à la fois, faisant ainsi preuve d'une perfectionnisme qui force le respect. Mais qui pousse aussi à se retrouver parfois seul lorsqu'il s'agit de prendre des décisions importantes.
La détente à la russe, ça n'a rien de relaxant...
Et ce final, émouvant mais raté, laisse béat le spectateur qui, au détour d'un faux twist, s'attend à voir réapparaître une pointe d'action dans ce film légèrement creux. Sauf que le générique lui fauche son enthousiasme et il repartira bredouille, mitigé entre l'appréhension d'avoir raté quelque chose et la sensation d'avoir vu une très belle histoire d'amour sur fond d'espionnage. Quoi qu'il en soit, il aura au moins fait l'effort de ne pas aller voir Boule et Bill et aura permis au cinéma français de se renouveler et de saluer l'audace de certains artistes qui n'hésitent pas à prendre le taureau par les cornes pour livrer un cinéma de qualité.
6,5/10