Kagero, de Hideo Gosha (1991) L'histoire : Au cours d'une compétition, une joueuse de cartes professionnelle doit à la fois défendre l'honneur de son clan, assurer l'avenir de son frère adoptif et affronter celui qui a assassiné son père sous ses yeux lorsqu'elle était encore enfant...La carrière de Hideo Gosha se scinde en deux périodes bien distinctes, que l'on pourrait grossièrement qualifier de masculine dans un premier temps, puis féminine. Le cinéaste place ainsi, à partir du début des années 1980 jusqu'à son décès, des personnages du sexe dit faible dans des environnements dominés officiellement par des hommes : allant à l'encontre des modes, il propose ici un
ninkyo eiga, genre sinistré. Takeshi Kitano vient de faire ses débuts derrière la caméra avec
Violent Cop et
Jugatsu, Takashi Miike s'apprête à faire ses armes dans le milieu du
v cinema : tous deux et quelques autres vont emmener le
yakuza eiga vers d'autres contrées, bien éloignées de l'esprit des grandes sagas des années 1960 auxquelles Hideo Gosha rend clairement hommage,
Lady Yakuza en tête. Le vieux cinéaste n'a alors plus rien à prouver : il est l'un des rares à se voir confier de solides budgets dans son pays, un honneur auquel Akira Kurosawa lui-même ne pouvait plus prétendre. Par conséquent, il fait ce qu'il veut.
L'histoire, comme toujours avec ce genre, se révèle classique. Pour autant, Hideo Gosha ne donne jamais l'impression d'avoir vingt-cinq ans de retard : formidable esthète, il parvient à élever un matériau de base quelconque grâce à son sens aigu de la composition, à la photographie et à la direction artistique. Rarement un
gambler movie n'aura semblé à ce point immersif : la scène où le personnage principal, incarnée par la magnifique Kanako Higuchi, tout en retenue, s'entraîne à manipuler les cartes, seule dans sa chambre, est une merveille de tension et d'érotisme. Mais le film traîne parfois en longueurs, peine à captiver et n'évite pas toujours le facteur chiant : des défauts que l'interprétation de Tatsuya Nakadai, sorti de sa maison de retraite pour resservir une partition fièvreuse, et le final, qui dynamitera littéralement bien des attentes, effacent en partie. En conclusion : classique de par son fond, transcendé par sa beauté formelle et l'interprétation troublante de Kanako Higuchi,
Kagero se révèle parfois ennuyant, mais le plus souvent fascinant. Un bel adieu au genre.
Note : 7,5/10