"- Ça vous dirait un petit échange dans la ruelle, derrière le bar ? - Si c’est un échange de fluides corporels, je suis pas contre. Mais alors dans ce cas, tu passes devant."
Cette affiche est plutôt originale car elle tente par les moyens les plus détournés de vendre en France un film de sabre comme un vulgaire film de kung fu. Cependant, cette absence d'armes peut être traduite d'une autre manière. Comme le fait que le sabre chez un samouraï n'est ni plus, ni moins que la continuité de son bras et que s'il parvenait à être brisé, ce serait une part de l'homme qui en est détenteur qui serait détruite. Plus qu'un simple objet, le sabre chez les samouraïs constitue un catalyseur de leur âme, la lame reflétant leur véritable personnalité. Hideo Gosha a très bien compris ce concept tant il cherche à transformer Tatsuya Nakadai en un véritable samouraï. Quasi mutique, le regard aussi mystérieux que fuyant le monde physique, Magobei tente de comprendre l'âme humaine, qu'elle soit vierge de tout crime ou souillés de desseins atroces, telle celle de son beau-frère, Rokugo.
La neige est sublimée durant tout l'épilogue.
Mettant en scène son film à la manière d'un western, Gosha s'imprègne de la mythologie du "lonesome cowboy" en la transposant dans un Japon féodal aussi féroce que brutal. D'un pessimisme latent, Goyokin ne laisse que peu de marge à son samouraï humaniste, l'obligeant à aller combattre le mal en son sein afin de redonner ses lettres de noblesse à l'honneur de son rang et, par la même occasion, se racheter de sa lâcheté qui causera la mort de dizaines d'innocents. Cette remise en question de son statut de bretteur est habilement amenée avec cette scène où Magobei cherche à revendre son sabre, pensant ainsi abandonner le fardeau de sa culpabilité. Mais heureusement pour nous, la soif de justice est plus forte et c'est en défenseur du bien qu'il ira combattre le fléau qui empoisonne la tradition du samouraï.
Le code d'honneur des samouraïs n'est pas mort pour tout le monde.
En jouant énormément sur le sensitif, le cinéaste donne de la chair à son oeuvre et évite les écueils du simple film de justicier solitaire en ralentissant l'action au profit d'une incursion des cinq sens dans la pellicule. Et ce sont souvent les affrontements qui profitent de cette idée de mise en scène. La neige, le feu, le vent, la boue et la pluie. Gosha utilise tous ces éléments naturels pour donner une forme plus universelle à la quête de Magobei. Même si la chorégraphie des duels n'est pas aussi aboutie que chez Kurosawa (avec qui il partage la même définition du samouraï), ils parviennent à être intéressants car ne sont pas exclusivement présents pour amener de l'action mais servent toujours exclusivement le récit.
Le final semble se dérouler en apesanteur tant Gosha souligne la précision des gestes.
Goyokin n'est peut être pas le plus grand chambara de tous les temps mais ses particularités font de lui une oeuvre unique. Raffiné et complexe dans la forme, il séduira les amateurs par son scénario simpliste et ravira les puristes par la qualité de sa mise en scène.
"- Ça vous dirait un petit échange dans la ruelle, derrière le bar ? - Si c’est un échange de fluides corporels, je suis pas contre. Mais alors dans ce cas, tu passes devant."
Kurosawa (avec qui il partage la même définition du samouraï)
Je ne suis pas tout à fait d'accord. Si tu vois d'autres films de Gosha, tu verras cette différence s'affirmer. En gros, il agit pour sa pomme avant tout en étant tiraillé par son sens de la justice (traduit en vengeance), alors que les samouraï de Kurosawa sont plus profondément humanistes dans un sens d'altruisme et n'agiraient jamais pour se venger.
Oui bien sur, mais je parle de ça à titre de comparaison : Kurosawa utilise le genre et ses archétypes avant tout pour y poser ses idéaux humanistes, plus que pour questionner la morale ou les codes du Bushido (ce qui est le cas c'est Gosha ou Misumi), en cela son oeuvre est vouée à être plus "positive" que celles de ses confrères. Pour autant, ce n'est pas forcément un reproche, puisque avec le temps, j'ai appris à apprécier grandement son travail qui ne se limite pas qu'a ce genre de films.
J'étais a 8 sur le coup mais le film vieillit tellement bien que je suis passé a 9 en écrivant la critique. Gosha/Kurosawa, ce sont deux manières différentes d'approcher le genre. Le premier a une vision désenchantée et sombre de cette période tandis que son compère est plus idéaliste et plus humaniste dans sa description. Deux visions opposées mais tout aussi intéressantes l'une que l'autre et qui méritent tout autant qu'on s'y attarde.