L'énigme du Chicago Express |
Réalisé par Richard Fleischer
Avec Charles McGraw, Marie Windsor, Jacqueline White
Policier, USA, 1h11 - 1952 |
7.25/10 |
Résumé : Deux amis policiers sont chargés d'accompagner à un procès Mrs. Neall, la veuve d'un gangster notoire.
Sans défrayer la chronique, ce film est une série B efficace qui démarre sur des chapeaux de roues en allant droit à l'essentiel, mais sans pour autant rater la caractérisation de l'histoire et des personnages, bien au contraire (et oui c'est possible sur une si courte durée). On retrouve la même contrainte du train (véritable sous-catégorie dans le genre) que dans
Le grand attentat, avec des contraintes similaires (lieu unique et confiné, jeu du chat et de la souris), mais avec un fond et un point de vue très différents, et surtout des dialogues plus secs et piquants. Il prouve aussi qu'il était l'égal d'A. Mann dans le genre, ce qui n'est pas rien.
Le récit démarre comme un film noir avec son lot de flics bourrus, sa femme fatale, et un espace finement découpé par le jeu contrasté du N&B (avec en prime un tueur caché dans l'ombre, dévoilé au spectateur par les perles qui tombent du collier de cette dernière). Au menu, la protection de la femme d'un ex-chef de la mafia qui détiendrait la liste de toutes les personnes impliquées dans cette organisation, qu'elle délivrera seulement au tribunal. Le flic en charge est interprété par Charles McGraw qui brille par sa présence, incarnant une personnalité forte mais non moins dénuée de sentiments rentrés (que l'on découvre à la suite du meurtre de son collègue) et d'intégrité (en essayant de le corrompre il met en avant son indépendance). Un personnage classique du genre mais qui impose, offrant très peu de faiblesses au regard (aperçu comme badguy dans
T-Men, on comprend pourquoi. D'autre part nous avons la femme fatale qui a l'air de se foutre royalement de ceux qui la protègent, qui tranche par une froideur encore plus intense que le flic. Enfin tournent autour d'eux des seconds rôles jamais inutiles et qui apportent leur contribution au suspens (ex : le gamin est le seul à comprendre ce qui se passe, on saura pourquoi plus tard).
Ensuite, dans le train ça dérive vers le genre du thriller paranoïaque, sauf que le point de vue du spectateur est omniscient. Il a la connaissance de qui sont le poursuivant et le poursuivi (sans forcément connaître le fond de leur pensée). Les enjeux sont clairs dès le début, et donne lieu à une belle partie de filature réciproque où il est difficile de se cacher, comme en témoigne un gars obèse qui occupe l'espace du couloir de toute sa largeur. Le policier doit donc être plus malin que ses ennemis pour sauver son "paquet" et réussir sa mission.
La réalisation est au service de l'action, avec panoramiques et travellings qui suivent les pérégrinations du flic devant se ballader sur toute la longueur du train pour demeurer sur le qui vive et s'assurer qu'on n'agit pas derrière son dos. Ce rythme d'enfer est figuré par un fondu enchaîné de la femme en train de limer ses ongles sur le même tempo que les roues du train. D'autres scènes vraiment inspirées expriment ce travail sur l'espace (le flic qui se cache derrière la fumée du train pour observer le poursuivant, ou la focalisation sur la vitre d'une voiture pour flouter l'identité de l'investigateur du complot, et qui indique la direction de son regard) et les traditionnels gros plans qui font ressortir la tension des visages. Pour terminer, malgré une fluidité exemplaire (grâce notamment à une réal' qui nous permet de tout voir ou presque), il y a un beau twist inattendu qui remet des choses en perspective en inversant les identités, enlevant au film de son manichéisme.
Un bon petit film de suspens se déroulant dans un train, avec des personnages fortement caractérisés, où la psychologie s'efface derrière l'action et l'efficacité, donnant lieu à une belle partie de cache-cache qui joue avec notre regard.