L’ARMÉE DES 12 SINGES-------------------------------------------
Terry Gilliam (1995) |
9,5/10 Film hyper connu, gros succès à son époque, L'Armée des 12 singes n'est pourtant qu'assez peu cité dans le registre SF alors qu'il s'agit peut-être d'un des tout meilleurs, notamment dans ceux qui abordent le thème si épineux du voyage dans le temps.
Le film cumule les réussites, aussi bien le scénario (David Webb Peoples a scénarisé Blade Runner et Impitoyable entre autres, y a pire comme CV), l'interprétation parfaite (Willis incarnait ici un personnage plus fragile qu'à l'accoutumé, Pitt fait le taré comme un taré et Madeleine est canon comme d'hab), que la réalisation inspirée, sont au diapason de cette histoire terrible et fascinante.
Gilliam signe pourtant l'un de ses films peut-être les plus conventionnels, avec une relative absence de son univers déjanté (on retrouve toutefois quelques unes de ses folies dans l'univers futuriste baroque) mais néanmoins il réussit parfaitement à rendre l'atmosphère oppressante, dérangeante, et à retranscrire à l'écran le malêtre de son héros et son déphasage vis à vis de la réalité. Les images sont souvent glaçantes et la touche graphique de Gilliam fait mouche à de nombreuses reprises (l'exploration de la surface dans l'introduction allégorique, l'asile, les animaux en liberté, la scène d'aéroport), en plus de contenir de nombreuses références cinéphiles (à Hitchcock et à la Jetée dont le film s'inspire).
Le thriller apocalyptique est dosé à la perfection, fournissant au spectateur la solution du puzzle que dans les toutes dernières images et on est ballotté comme son héros entre les différentes époques, les différents pistes abordées et cette enquête au long cours dont on ne peut attendre au final et par définition (le passé est le passé) aucune réelle lueur d'espoir (même si la fin ouverte laisse néanmoins un doute). Les images récurrentes aperçues en rêve se posent ainsi comme des visions prophétiques dans ce registre du voyage dans le temps; on se prend au jeu d'essayer de décrypter les quelques indices disséminés (messages sonores et visuels), et en même temps que le dénouement approche, les repères deviennent pourtant de plus en plus flous avec un malaise de plus en plus croissant à mesure que l'inéluctabilité devient de plus en plus pressante.
En parallèle, le scénario dresse une illustration de la folie, de l'aliénation, assez efficace et interroge par son concept les notions de liberté, de libre-arbitre, de destinée et de cause à effet. Le sous-texte écologique abordé est aussi loin d'être con, les activistes sont montrés comme une menace, concourant ainsi au brouillage des pistes, et le pion incarné par Willis est pour une fois très éloigné du sauveur traditionnel. Et sa passion amoureuse constitue au final l'un des seuls messages d'espérance de ce film hanté par les fantômes d'un futur sombre et pourtant crédible.
Un film intelligent, conçu à la perfection, qui posait à l'instar d'un Seven de la même année, les très belles lettres de noblesse d'un cinéma de genre spectaculaire mais néanmoins pessimiste, et qui, sans des gros effets de manche, se hisse pourtant au niveau des plus belles réussites.