The Thieves de Choi Dong-hun
(2012)
Et encore une fois, le public sud-coréen prouve qu'il a très bon goût sur le cinéma. Alors que, dans notre pays, les rares productions françaises qui déplacent les foules sont de plus en plus souvent des comédies banales et insipides, en Corée du Sud un film de vengeance violent comme Man from Nowhere attire 9 millions de spectateurs, un film de monstre comme The Host en attire 12, et l'année dernière, c'est ni plus ni moins qu'un film de braquage, genre ultra codé, qui dépassait tout les records de fréquentation, devenant à lui tout seul un véritable phénomène de société. The Thieves n'avait pourtant pas de quoi, en apparence, rencontrer ce succès monstre. Certes, les trois précédents films de Choi Dong-hun avaient été des jolis succès critiques et publics, mais le fait est que contrairement à d'autres cinéastes de sa génération, il n'avait jamais trouvé une reconnaissance hors des frontières coréennes, se contentant d'offrir un cinéma de blockbuster calibré pour le public national. On se retrouve donc ici avec un film que le public occidental rapprochera évidemment à Ocean's Eleven, puisqu'on y retrouve plus ou moins le même concept, celui de proposer un film de braquage axé sur le divertissement, avec un casting de haute volée pour assurer le spectacle. Sauf que là où le film de Soderbergh se contentait d'aligner des belles gueules en étant finalement avare en action, The Thieves joue à fond la carte du pur divertissement assumé tout en gardant un côté premier degré qui lui permet de garder une efficacité de tout les instants, et notamment dans des séquences d'action où l'on craint réellement pour les personnages.
Car après des présentations rapides de protagonistes parfaitement caractérisés (avec une opposition coréens/chinois qui donne une scène particulièrement drôle, d'ailleurs l'humour est vraiment très bien géré sur la totalité du film) et une installation d'intrigue qui prend son temps pour justifier les nombreux rebondissements qui viendront ensuite, le film prend une tournure franchement inattendue, n'hésitant pas à sacrifier des personnages de façon très brutales pour ne plus jamais les revoir par la suite. Un choix étonnant qui en surprendra sûrement plus d'un, mais qui colle parfaitement avec la mouvance de certains des plus grands divertissements coréens (The Host avait aussi cette qualité de frapper là où on ne l'attendait pas). Au bout d'une heure de film, l'intrigue est parfaitement lancée dans un rythme soutenu qui ne s'arrêtera que très rarement. Entre un braquage qui joue sur la multiplication des points de vue via un montage brillant, un twist particulièrement bien géré et une séquence d'action finale qui ose même marcher sur les traces d'un certain Time and Tide, on imagine vraiment mal un spectateur s'ennuyer devant un divertissement aussi généreux. Alors certes, les relations entre personnages ne sont pas forcément toutes du même niveau (si celle entre Simon Yam et Chewing-gum est émouvante, le trio amoureux du final marche beaucoup moins), certes la conclusion paraît un peu facile, mais le fait est que le film est globalement d'une qualité inespérée, avec en plus la possibilité de séduire totalement le public occidental qui s'y risquera.
En terme de mise en scène, si le film n'est clairement pas au niveau de ce qu'on peut trouver de mieux en Corée, le gros budget fait que les moyens sont bien mis en valeur à l'écran via quelques plans-séquences maîtrisés (celui qui survole les grattes-ciels pour finir sur la femme en rappel est particulièrement impressionnant) et les séquences d'action sont vraiment très bien travaillées et chorégraphiées, en témoigne la scène qui cite ouvertement Tsui Hark (l'expérimentation visuelle en moins, mais la gestion de l'espace y gagne énormément pour le grand public) et qui est de très loin ce qu'on a pu voir de mieux en terme d'action à la coréenne ces derniers temps (la dernière fois que j'avais été aussi impressionné, c'était devant le combat final de Man from Nowhere). Enfin, le casting est juste génial. Les jeunes acteurs remplissent parfaitement leur contrat, Simon Yam est un invité d'honneur des plus charismatiques malgré son court temps d'apparition (ses dernières scènes étant iconiques à souhait) et on a surtout le droit à Kim Yun-seok (proxénète de The Chaser et le mafieux de Yellow Sea) qui s'impose comme l'un des acteurs sur qui on pourra compter par la suite (et je doute que sa participation dans le prochain film de Jang Jun-hwan me fasse mentir). Un divertissement de qualité à la fois inspiré et généreux en action et humour, il n'y a pas à dire, The Thieves mériterait clairement une sortie en salles françaises (même si, pour le coup, on peut toujours rêver...).
NOTE : 7/10