A Yakuza in Love, de Rokuro Mochizuki (1997)
L'histoire : Un yakuza originaire d'Osaka passe quelques jours à Tokyo pour y effectuer une mission de surveillance. Sur place, il rencontre une jeune serveuse et en tombe amoureux...Si l'on excepte Takeshi Kitano, qui a débuté comme cinéaste grâce à un
concours de circonstances, ou des artistes à part comme Shinya Tsukamoto et Sogo Ishii, qui ont construit la voie du cinéma indépendant, il n'existait qu'un seul moyen, au cours des années 1980, pour un apprenti-cinéaste de se lancer dans le métier : la mise en scène de films érotiques. A une époque où un artiste aussi réputé que Kurosawa n'avait pas d'autre choix que de trouver des financements à l'étranger, des débutants ne pouvaient en effet espérer mieux que de se voir confier les rênes d'un
pinku eiga : c'est donc ainsi que Rokuro Mochizuki a fait ses premiers pas derrière une caméra. Allant même jusqu'à produire/réaliser des vidéos pour le marché de la pornographie, l'homme a pu, dans les années 1990, réinvestir ses bénéfices et rejoindre les rangs d'une nouvelle génération qui a su revivifier le cinéma de genre japonais, et notamment le
yakuza eiga.
A l'image des premiers films reconnus de Takashi Miike, comme
Shinjuku Triad Society ou
Rainy Dog, ou des incursions dans le genre de Kiyoshi Kurosawa et Shinji Aoyama, les
yakuza eigas mis en scène par Rokuro Mochizuki sont représentatifs du genre tel qu'il a été pensé dans les années 1990, après une décennie sinistrée : loin de la glorification des
ninkyo eigas des années 1960, ils trouvent leur principale source d'inspiration dans les années 1970 et notamment du côté de Kinji Fukasaku. L'anti-héros de
A Yakuza in Love pourrait ainsi être le fils de celui de son
Cimetière de la morale : un personnage abject et amoral que l'on ne peut s'empêcher de trouver, contre toute attente, terriblement attachant. Ici réside toute la puissance cinématographique de Mochizuki : nous faire aimer un personnage qui, pour séduire une femme, la drogue, la prend de force et l'enlève.
L'histoire d'amour de ce yakuza drogué et schizophrène avec cette jeune serveuse pourrait paraître irréaliste, mais inutile de faire appel à la raison pour analyser les sentiments qui les unissent : elle-même s'en étonne mais, n'ayant jamais été à ce point courtisée et désirée, elle se laisse séduire et finit par suivre cet homme dans sa spirale autodestructrice, ce fouteur de merde qui finit par se mettre tout le monde à dos, y compris et surtout d'autres personnages peu recommandables. L'alchimie entre les interprètes fonctionne et, si quelques longueurs se font sentir et le manque de budget parfois remarqué, il est difficile de ne pas trouver de nombreux passages touchants, intrigants et puissants. Depuis, après quatre
yakuza eigas, Mochizuki est retourné dans le milieu de l'érotisme bas de gamme et de la pornographie : un talent gâché, assurément.
Note : 7/10