Minbo ou l'art subtil de l’extorsion, de Jûzô Itami (1992) L'histoire : Un directeur d’hôtel, désespéré de voir son établissement empêtré dans un chantage orchestré par des yakuzas, décide de faire appel aux services d’une avocate pour s'en débarrasser...Un cinéaste ne rencontrera aucune difficulté s'il montre les yakuzas comme des gens cruels, terrifiants, sinistres ou monstrueux : cette représentation, au contraire, a plutôt tendance à les servir. Mais il est dangereux, en revanche, de les tourner en dérision : Jûzô Itami en a fait les frais avec son
Minbo puisque, peu de temps après sa sortie, plusieurs yakuzas l'ont agressé et sévèrement blessé. Pire : nombreux sont ceux qui pensent que son suicide, cinq ans plus tard, avait tout du meurtre déguisé. Info ou intox, toujours est-il que le réalisateur, davantage connu en Occident pour sa comédie
Tampopo, n'y va pas avec le dos de la cuillère ici dans sa représentation du crime organisé japonais.
Le problème, c'est que son long-métrage manque d'enjeux et qu'il grille ses cartouches dès la première scène : plusieurs yakuzas tentent d'intimider le gérant d'un hôtel, qui leur refuse l'accès à la piscine du fait de leurs tatouages, synonymes d'appartenance au crime organisé. Ceux-ci aboient plus qu'ils ne mordent et une avocate, alors présente, parvient à les éloigner en se montrant plus intelligente qu'eux. Ceux-ci apparaissent donc comme ridicules, voire bêtes, et surtout : en aucun cas
dangereux. La suite de
Minbo, deux heures durant, ne sera rien de plus que développement, répétition et variation. Les yakuzas, soucieux d'éviter tribunaux et prisons, synonymes de perte d'argent, abandonneront toutes leurs tentatives d'extorsion dès que quelqu'un leur opposera une résistance.
Cette vision du
yakuza eiga a certes le mérite de se révéler originale, mais manque de réalisme, comme la suite de la vie de Jûzô Itami le prouvera tristement. Car
oui, les yakuzas sont bel et bien dangereux et ne se contentent pas d'aboyer. Qui plus est, pour une comédie, celle-ci provoque rarement le rire à force de radoter et se plante dans les grandes largeurs lorsqu'elle tente une rupture de ton : la pauvreté formelle de l'ensemble, entre photographie télévisuelle et mise en scène statique, n'élève jamais le matériau de base et, au final, on peut se demander si ce film ne doit pas sa notoriété au tragique destin de son réalisateur, plutôt qu'à son approche inédite du genre.
Note : 5/10