Deuxième film d'aventures de J. Tourneur que je découvre après
La Flibustières des antilles, et je tape encore dans de la bonne came, quoique légèrement inférieure à ce dernier, par manque de scènes d'action marquantes, et puis l'univers de la piraterie c'était la classe. Ici, on rejoint plutôt le ton et l'esthétique de
Robins de bois, la version de 1938 avec Errol Flynn, ce qui est normal puisqu'à l'origine Dardo devait être interprété par ce dernier, et une partie des décors (surtout la forêt et l'intérieur du château) et des costumes en sont aussi issus. On retrouve donc dans le personnage principal la même espièglerie, accompagné d'une troupe de hors-la-loi du même acabit, tous opposés à l'autorité en place.
Jusque là, l'histoire semble basique et légère, jouant constamment sur l'animosité entre montagnards et noblesse (à coup d'enlèvements successifs), ce qui est à moitié vrai. Malgré ce postulat assez simple et divertissant, il y a des séquences qui suggèrent que ça peut aller un peu plus loin dans la noirceur, et le développement de certains personnages est assez riche. D'abord en la personne de Dardo et sa philosophie de montagnard, libre comme l'air, ne comptant que sur lui-même sans se soucier des autres, jusqu'à que ça affecte ses proches, et particulièrement son fils kidnappé. Sa relation aux "résistants politiques" qui agissent dans le secret (sans rebellion ouverte) est bien pensée, servant surtout à créer une ambiguïté autour de Dardo, perçu comme un sale égoïste qui ne pense qu'à sa tronche, y compris dans sa lutte avec leur ennemi commun. Ensuite, il y a une tension psychologique intéressante autour de deux nobles promis à un mariage arrangé pour renforcer la puissance du royaume, mais qui emprunteront deux voies opposées face aux montagnards, la trahison ou l'alliance (ils cachent bien leur jeu, dommage que la transition soit un peu rapide). Enfin, il y a le bad-guy vraiment méchant, prêt à tout pour piéger son adversaire (pendaison, utilisation perverse d'un traître, ...).
L'un des gros points forts de la réalisation sont les décors évoquant le sud de la France. Malgré une utilisation massive de
matte painting et de décors en carton pâte, la reconstitution ne fait pas trop vieillotte, reflétant bien l'ambiance du Moyen-Âge, évidemment romancé et grand public. Le cadre historique est surtout prétexte à des péripéties se déroulant à un bon rythme, parfois trop même (on dirait par exemple que la forêt se trouve juste à côté de la ville lorsque les hors-la-loi vont libérer l'oncle du héros), et emprunte un chemin plus intime via le héros qui veut libérer son fils avec l'aide de ses amis. Il y a une belle myriade de personnages hauts en couleurs, comme le sourd qui se démerde comme dans
Zorro, acrobate à ses heures, donnant lieu à une infiltration finale assez fun. Malgré un petit manque d'action, j'ai compté pas mal de séquences sympa (outre l'inévitable tir à l'arc) : le double duel entre le montagnard et le noble, d'abord à la lutte puis à l'épée (le héros doit s'adapter à la supériorité martiale de son adversaire), la manière radicale de maintenir la noble à l'abri d'une trahison avec une symbolique par rapport au désir qui rappelle
La féline, et enfin les multiples acrobaties des deux héros centraux (interprétés par d'anciens trapézistes, Burt Lancaster et Nick Cravat), qui apportent un véritable plus physique au film.