Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet
(2001)
Redécouverte de ce petit bijou que je n'avais pas revu depuis des années. Le fabuleux destin d'Amélie Poulain restera toujours un film auquel j'attacherais une émotion particulière, l'ayant vu quatre fois en salles à l'époque de sa sortie, et le fait de le connaître par cœur ne dénature en rien l'émotion que peut me procurer ce très beau moment de cinéma. Alors que Jeunet sortait de son expérience hollywoodienne, il se lance dans un projet en solitaire pas très ambitieux en terme de script, son idée étant de livrer une œuvre qui puisse magnifier le moindre aspect de la vie de tout les jours, au sein d'un Montmartre des années 90 idéalisé sur le plan visuel. Sorte de comédie romantique aux leçons de vie universelles, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain n'en reste pas moins un film supérieur à ce que l'on trouve habituellement dans le genre, et notamment grâce à une galerie de personnages plus vrais que nature que conservent néanmoins la touche excentrique particulière de l'univers de Jeunet. Reprenant plusieurs formes scénaristiques qu'il avait déjà utilisé par le passé (les j'aime/j'aime pas proviennent directement de son court-métrage Foutaises, idem pour les images du générique qui sont un écho aux cartons de la même façon que le faisait Delicatessen), Jeunet livre un récit au rythme qui ne ralentit que très rarement, à la beauté simple et évocatrice, et développant des thèmes communs avec une fraîcheur de chaque instant.
Difficile de résister à l'émotion de séquences clés comme les retrouvailles entre un vieil homme et ses souvenirs d'enfance, ou cette superbe dernière séquence qui contient l'un des plus beaux baisers de l'histoire du cinéma. Pour la peine, Jeunet retrouve la plupart de ses acteurs fétiches (Pinon, Rufus, Holgado) tout en révélant au grand jour Audrey Tautou dans son premier grand rôle. Il est dommage de constater à quel point l'actrice a eu du mal a se renouveler par la suite tant elle porte le film sur ses épaules, seuls Kassovitz (d'habitude pas génial en tant qu’acteur mais qui est ici d'une sincérité touchante) et Serge Merlin arrivant à lui faire de l'ombre. Sur le plan technique, le film est certainement l'un des plus beaux travaux de Jeunet, magnifié par la photographie de Delbonnel qui varie sur trois thématiques de couleur (vert, rouge et jaune) et surtout par la composition désormais culte de Yann Tiersen qui donne énormément au charme et à l'impact émotionnel du métrage. Niveau mise en scène, Jeunet garde sa folie visuelle constante mais l'utilise avec bien plus de parcimonie, et on pourra remarquer son amour pour les longs plans au mouvement millimétré qui apporte une véritable dynamique à l'ensemble. Œuvre sincère sur les plaisirs simples de la vie narrés par la superbe voix d'André Dussollier, et sur des personnages qui recherchent le sens véritable de l'existence, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain s'impose aisément comme l'une des pièces filmiques françaises les plus remarquables de ce début de siècle. En espérant qu'un jour Jeunet puisse retrouver une telle grâce visuelle dans ses prochains films.
NOTE : 9/10