Sonatine, de Takeshi Kitano (1993) L'histoire : Le bras droit d'un chef yakuza se rend à Okinawa, avec quelques hommes, afin de soutenir un clan ami qui risque d'entrer en guerre contre un autre. Mais suite à une fusillade, ils doivent se réfugier au bord de la mer et se retrouvent désœuvrés...Une précision autobiographique en guise de nécessaire préambule :
Sonatine est
le film qui m'a donné le goût du cinéma japonais et, rien que pour cette raison, une place spéciale lui sera toujours réservée dans mon cœur de cinéphile. J'irai même plus loin en disant qu'il est l'élément déclencheur de ma passion pour la culture nippone dans son ensemble. Il est surtout le film qui a permis à Takeshi Kitano, dont le travail de cinéaste n'a été que trop tardivement salué dans son propre pays, d'être remarqué par plusieurs critiques avisés en France. Notamment Jean-Pierre Dionnet qui en a profité pour le distribuer... Malgré le fait que personne, tant parmi ses collègues que les producteurs du film, ne croyaient en ses chances. Et pour cause, à l'époque, le cinéma japonais ne s'était toujours pas remis d'une crise amorcée dans les années 1970, les grands maîtres avaient disparu ou dépassé depuis longtemps leur pic de créativité et si
Tetsuo de Shinya Tsukamoto avait bien été remarqué quatre ans plus tôt, un tel OVNI ne pouvait guère servir de chef de file...
A l'époque, le cinéma asiatique (appellation qui n'a de toute manière
aucun sens) se résumait donc en Occident à la violence opératique d'un John Woo, voire d'un Tsui Hark. Bien loin de l'univers de Takeshi Kitano qui, n'étant pas cinéphile, signait des oeuvres qui ne ressemblaient à aucune autre : et rien n'est plus difficile que de vendre un film qui s'affranchit de toute référence connue (qui avait vu
Guerre des gangs à Okinawa ?). Exit les défauts de rythme de
Violent Cop ou la construction bancale de
Jugatsu : la mise en scène de
A Scene at the Sea, entre parenthèse pour l'acteur, accalmie et haïku cinématographique, a de toute évidence servi le
Takeshi Kitano cinéaste. Fini le tâtonnement, car tout fonctionne ici et sans ennui : son personnage lassé et suicidaire qui, désoeuvré, semble retomber en enfance avec ses jeux de plage, sa reproduction de tournoi de sumo ou ses blague puériles, qui permettent d'allier humour fin et poésie, une poésie soulignée avec finesse par les compositions d'un Joe Hisaishi en état de grâce...
Tous les éléments qui caractérisent le cinéma de Takeshi Kitano s'articulent ici en harmonie : un petit miracle, auquel je refuse d'accorder une note inférieure même si, en toute honnêteté, le meilleur reste à venir.
Note : 10/10