Django Unchained - Quentin Tarantino - 2012
Django Unchained signe le retour de Quentin Tarantino dans un genre qu'il avait déjà quelque peu abordé dans Kill Bill 2. Sauf que cette fois, il met les deux pieds dans le plats, un dans l'assiette classique bien dressée, l'autre dans la gamelle remplie de spaghettis dégoulinants, pour un résultat qui porte sa marque de fabrique d'un bout à l'autre. Malgré quelques inévitables clins d'oeil - comment peut-il en être autrement lorsqu'on aborde un genre aussi riche que le western - il réalise sûrement son film le plus personnel avec Jackie Brown, le plus linéaire surtout. On lui reproche souvent de ne pas avoir de style propre et de pomper allègrement dans les films dont il s'inspire, mais on oublie également que grâce à ses oeuvres ultra-référencées, une frange du public non avertie a ainsi pu découvrir de nouveaux horizons cinématographiques. N'est-ce pas là le but de sa démarche? Certains le taxeront toujours d'être narcissique mais tant qu'il sera capable de délivrer des divertissements de cette qualité, il peut continuer à se la raconter autant qu'il veut. Dans le cas présent, je ne vois qu'un seul adjectif pour définir son cinéma...
Jouissif! La dernière fois que j'ai pris autant de plaisir dans une salle de cinéma, ça remonte au moins à 5 ans, année de sortie du chef d'oeuvre des frères Coen, No Country for Old Men. Il y a bien eu quelques claques disséminées ici et là, mais souvent dans des registres plus sombres. Ici, pendant 2h45 (qui défilent à une allure folle), j'avais un sourire jusqu'aux oreilles. C'est à se demander pourquoi un genre aussi évocateur et pourvoyeur de plaisirs incommensurables a pu disparaître des écrans aussi brutalement. Devant ce Django, on s'éclate, on s'émerveille, on rit, on se rappelle tout simplement pourquoi on aime tant le cinéma!
A peine le générique est-il lancé, qu'on est bercé par les notes du thème du Django originel. Cette introduction me fait d'ailleurs beaucoup penser à celle de Jackie Brown. On reste concentré sur le personnage principal, iconisé en moins de temps qu'il n'en faut pour dégainer un colt de son ceinturon. Parlons d'ailleurs des choses qui fâchent, Jamie Foxx serait soi disant le maillon faible du casting, bien trop timoré et fade pour le rôle titre. Perso, je le trouve parfait. Beaucoup semblent oublier que Django est un esclave pas forcément très futé avant sa rencontre avec le Dr King Schultz. En témoigne ces nombreuses questions portant sur le sens des mots ou cette scène loin d'être anodine au cours de laquelle son compagnon de route d'origine teutonne lui compte la légende de Brunhild. Foxx, alors assis sur un petit rocher, écoute religieusement Christoph Waltz, les yeux ronds comme des billes, on dirait un petit garçon. L'évolution et la prise d'assurance de son personnage tout au long du film est brillamment amenée, entre maladresse et hésitation. Pour le reste, la caméra de Tarantino achève de le transformer de façon crescendo en héros qui pue la classe.
N'oubliant jamais de fournir à ses acteurs des rôles en or, le réalisateur est fidèle à sa réputation. Ses dialogues ciselés, drôles et très rythmés fouettent les tympans telle la lanière de cuir qui lacère le corps de ces pauvres esclaves. Un régal de tout les instants dont le trio impérial DiCaprio, Waltz et Jackson se délecte avec une joie communicative. Comme s'il était encore nécessaire de le prouver, Leo démontre par son talent qu'il est capable de tout jouer en incarnant pour la première fois un bad guy. Une ordure de premier choix qui fonctionne de paire avec son pygmalion, une raclure encore plus ultime qui permet à Samuel L. Jackson de trouver un rôle à la hauteur de son talent trop souvent gâché en dehors de ses collaborations avec QT. Waltz, pour sa part, est fidèle à sa réputation de magicien du verbe. Son élocution facétieuse transforme chacune de ses intervention en or.
Généreux, Django Unchained l'est également dans l'action. Des gunfights complètement ahurissants au cours desquels Tarantino ne lésine pas sur l'hémoglobine. De l'introduction jusqu'au double épilogue, toutes ces séquences endiablées se dégustent à la manière d'un banquet orgiaque. Techniquement, c'est le film le plus abouti du réalisateur avec Kill Bill avec des images à tomber, une soundtrack qui colle à merveille à l'action (grop coup de coeur pour le morceau de John Legend
) et pléthore de détails ou trouvailles qui contribuent au bonheur que l'on peut éprouver devant le film. En plus du sourire béat que je me suis tapé pendant 2h45, je n'étais pas loin de verser quelques petites larmes de joie par moment. N'en jetez plus, la coupe est pleine!
Oscar, ton académie peut aller se faire foutre, tout comme les représentants de l'intelligentsia qui prendront un malin plaisir à cracher sur le caractère primaire du spectacle proposé ou encore les polémistes de tout bord (Spike Lee, qui se croit encore au XIXème siècle et qui fait semblant de ne pas savoir faire la part des choses...ou encore ceux qui pensent que le dernier Bigelow fait l'apologie de la torture). D'autres, et j'en fais partie, prendront ça comme un pur moment de fun, une vision ultra personnelle de la condition de l'homme noir (lequel se révèle être un putain de héros, chose impensable au cinéma il y a encore peu de temps) au service du divertissement. Pour tout ça, je remercie Tarantino et son gros melon, et au diable les conventions. Pour 2013, je suis comblé. A l'année prochaine.
10/10