DJANGO UNCHAINED-------------------------------------------
Quentin Tarantino (2013) |
8,5/10 Un grand cru sans aucun doute, mais cela pouvait-il être autrement. Hyper attendue, notamment après un Inglorious qui lorgnait déjà vers le western, cette incursion de Tarantino dans le registre hyper codifié et fondateur du cinéma américain est autant une réussite que pour l'occasion une évolution notable et spectaculaire de son style.
Bien sûr on y retrouve à l'accoutumée cette galerie de personnages absolument parfaite donnant ainsi à ces immenses acteurs des rôles de contre-emploi magnifiques. "King Schultz" Waltz, "Candy" Caprio, "Django" Jamie, et "Stephen" Samuel sont sans surprise parmi les plus grandes réussites, qui prouve que Quentin est un orfèvre du duel et du dialogue, sachant être ludique en même temps qu'il icônise à mort ses persos. Les 4 principaux sont époustouflants et le 2 contre 2 ici concocté restera sans doute à la postérité du 7e art, ne prenant jamais le dessus l'un sur l'autre, et répondant à des seconds rôles concis mais tout aussi délectables, entre plaisir et hommage. Sans surprise donc la galerie la plus fascinante de ces dernières années.
Bien sûr on y retrouve aussi une bande son géniale, faite de pépites old school (je ne connaissais aucune chanson) qui deviennent des classiques immédiats dans les mains de Quentin, qui ose même intelligemment balancer du 2Pac dans des champs de coton, signant ici une illustration parfaite du blues modernisé.
Les péripéties, assez simples, presque épurées pour l'occasion, laisse une place importante au gunfigth. Les bains de sang ne sont pourtant pas traités à la légère, la violence n'étant jamais ici banalisée ; le contexte n'est en effet jamais éludé, Tarantino prenant son temps lorsqu'il justifie un snipe sur un père de famille, qu'il fait avoir à ses persos des flashs d'horreur, ou lorsqu'il lâche un Django très perturbé sur le gang des frères Speck. Pas de coolitude ici, ni de banalisation, comme si la violence de l'Histoire poussait le réal à une certaine gravité, se permettant juste 2-3 catharsis de dynamite assez jouissives et quelques répliques cinglantes déjà cultes.
La durée fleuve, un plaisir pour tout cinéphile, permet à Quentin de couvrir chacune des figures imposées de son western, avec des décors naturels splendides et neigeux, des binouses et des couchers de soleil, et faisant de grandes propriétés coloniales à la Scarlett O'Hara le théâtre de son développement : le cœur du film, où va se jouer le grand spectacle de l'esclavagisme dans toute son atrocité, se concentrant sur des tractations décisives et mortelles, chacun allant alors ici jouer sa partition dramatique. On aurait pu s'attendre à un dénouement poussiéreux mais Tarantino préfère nous surprendre et nous emmener dans les salons dorés du pouvoir, entre dorures et faux-semblants. Et son 3e acte de prendre alors une tournure inattendue, convoquant même Hamlet à la table de son buffet froid. Jeux de mots et de bouches, gourmandises et perversions, encore une fois l'illustration très crue d'un épisode historique traité avec un mélange de plaisir et de respect.
Bien sûr on pourra reprocher à Quentin l'absence de bastons de saloon, de duels au soleil dans des rues désertes, d'harmonicas et de poursuites à cheval. Mais il ne cherche jamais à se mesurer à Leone (malheureusement?) et préfère donc donner une modernité grave à son propos, propice à la guerre de Sécession imminente, au risque notamment de décevoir certains de ses fans, ou de nous perdre dans des dialogues un peu envahissants et une conclusion peut-être hésitante.
Mais il serait quand même dommage de ne pas saluer l'intelligence de la note d'intention, l'excellence d'exécution et le fun toujours bien présent d'un style pourtant assagi, qui font de ce Django un film surprenant, spectaculaire et détonnant; et sans aucun doute un grand film.