Après deux films de qualité, première déception. C'est comme si on se retrouvait devant une suite non officielle de la
Féline, avec la panthère (ici le léopard) qui s'échappe pour butter du monde. Contrairement à sa réputation, ce n'est pas un film fantastique, mais plutôt une sorte de thriller légèrement horrifique, qui brode son histoire autour des attaques de l'animal. On retrouve certains "tics" de la mise en scène de Tourneur (avec ses fameux effets de suggestion et son travail sur la lumière, et une légère évocation ésotérique avec la tireuse de cartes) qui donnent lieu à 2-3 séquences esthétiquement belles (sous le pont, donnant suite à une scène sanglante en hors-champ ; dans le cimetière, gothique par excellence ; et enfin la procession finale, lugubre à souhait), mais le substrat surnaturel qui faisait tout le charme et le sel des films précédents est malheureusement remplacé par quelques tranches de vie d'un petit bled du Nouveau Mexique et d'une troupe de cirque, ce qui n'est pas forcément le meilleur choix. D'autant plus qu'on passe d'un personnage à l'autre avec peu de fluidité, alors que l'une des grandes qualités de Tourneur est habituellement de nous amener là où il veut quand il veut, mais ici on perd presque le fil entre ces
storylines à répétition.
En plus, la manière dont le léopard s'échappe au début est vraiment stupide, à cause d'une danseuse qui paraissait assez charmante au début avec son numéro de castagnettes mexicaines, mais qui s'avère finalement le personnage le plus énervant du film, profitant de la moindre occasion pour utiliser ses instruments. La caractérisation des autres personnages n'est pas meilleure, le rythme saccadé n'aidant pas. Difficile de savoir quel est le personnage principal (le promoteur du cirque, son amie, la danseuse ...), et les motivations de
tous les personnages sont étranges, se réduisant d'une part pour les principaux à leur +/- grande culpabilité des tueries, étant indirectement responsables de la fuite du léopard (surtout le promoteur qui n'était pas très chaud pour la retrouver), et d'autre part à des réactions étranges (la mère qui n'ouvre pas à sa fille pour la punir alors qu'elle crie, sachant pourtant qu'un léopard est en liberté, et qu'au final personne n'accuse). Il y a bien quelques belles petites phrases ou attitudes ici et là, mais qui servent surtout à nourrir un scénario globalement creux (par exemple, à l'évocation de la mauvaise conscience du duo central, répond en écho une réflexion sur la vie qu'on ne parvient pas à maîtriser : c'est beau et ça fait même référence aux autres films fantastiques, mais dans le contexte c'est tout bidon).
Le déroulement du film préfigure donc bizarrement celui des mauvais films d'horreur modernes : un prétexte idiot, une histoire et des personnages superficiels aux réactions étranges ou stupides, une attente fébrile des attaques de la bête qui surgit toujours au moment où on s'y attend le plus (dans un endroit isolé, et bien souvent, à l'attente de l'être aimé), et enfin un twist du badguy qui aurait pu être intéressant en apportant une originalité par rapport aux autres films fantastiques de Tourneur, mais malheureusement aussi mal amené que le reste et qu'on prévoit un peu à l'avance (alors que le mystère est justement le principal intérêt qu'on a devant l'un de ses films). Bref, une oeuvre mineure, dont il faut retenir surtout retenir la qualité formaliste de certaines scènes.