LE NOM DE LA ROSE-------------------------------------------
Jean-Jacques Annaud (1986) |
9/10 Arrivé au terme de ma vie de pauvre pêcheur, désormais chenu et vieilli comme le monde, je m'apprête à laisser sur ce parchemin témoignage des faits admirables et terribles auxquels j'ai assisté dans ma jeunesse. Vers la fin de l'année du seigneur 1327... Ah que Dieu m'accorde la sagesse et la grâce d'être le témoin transparent des évènements qui survinrent dans une abbaye isolée au plus sombre du nord de l'Italie... Une abbaye dont même aujourd'hui il semble pieux et charitable de taire le nom.
Pour moi, le meilleur Annaud et peut-être aussi le meilleur Connery et le meilleur film ambiance Moyen-âge. Le Nom de la Rose de par sa simplicité, son ambiance très particulière et cet immense soin apporté à la reconstitution devrait je pense franchir le cap des années haut la main. Déjà son intrigue d'enquête sur des morts glauques et étranges a de quoi intéresser tout bon amateur de polar. Le secret caché au sein de cette abbaye macabre est suffisamment complexe, profond et sulfureux pour exercer toujours ce fort pouvoir d'attraction qu'on a tous ressenti la première fois.
Et puis la qualité de la direction artistique est elle-aussi toujours intacte, entre ces décors gothiques de bout du monde, cette musique glaçante de James Horner et ces acteurs parfaits : Connery qui bouffe l'écran comme rarement (il s'est battu pour le rôle), Slater qui fait très bien le jeune puceau naïf, Lonsdale parfait en moine bien avant des Hommes et des Dieux, Perlman dérangeant en bossu bas de plafond et puis toute une armée de bonnes vieilles trognes triées sur le volet (du côté obscur de la force, ce léger côté fantastique pas dégueu)... Bref que du bon, avec cerise sur le gâteau, un bonus féminin absolument charmant, dont on se souvient tous aussi très bien je pense.
Et Annaud de prendre quelques libertés par rapport au roman d'origine et d'insister sur cette ambiguïté glauque entre l'ordre monacal et la décadence presque animale tapie aux portes de la citadelle, seul rempart de ce monde prétendument civilisé. Et pourtant, le mal semble s'insinuer dans les âmes comme les courants d'air dans cette abbaye isolée au plus profond de l'hiver; les menaces intérieures et les tentations extérieures, mortelles, se combinent pour créer une ambiance oppressante, labyrinthique et terriblement poisseuse (on dirait du se7en par moment) que seule la figure rassurante de l'expert scientifique franciscain "Guillaume de Baskerville", classe, pourra mettre à mal. ..
L'unité de lieu est bien sûr on ne peut plus adaptée à ce genre de récit et on ne peut que être admiratif devant les choix artistiques absolument parfaits de Annaud, qui n'a plus qu'à poser sa caméra là où il faut, et comme il faut (avec de très jolies idées et un budget européen conséquent) le long de ces couloirs de pierre et de ces visages de marbre, pour dénouer les fils tendus de cette intrigue, et ainsi dépasser à mon avis le roman d'origine.
A voir au moins une fois dans sa vie, of course, comme tout chef d’œuvre qui se respecte, et pour son mélange parfait et quasi unique d'enquête criminelle et de Moyen-âge.