Django Unchained, de Quentin Tarantino (2012) L'histoire : Dans le Sud des États-Unis, quelque années avant la guerre de Sécession, un chasseur de primes libère un esclave prénommé Django pour l'assister dans une mission. Il se lie d'amitié avec lui et décide de l'aider à libérer sa femme, esclave d'un riche propriétaire terrien...Il a longtemps cité
Le Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone comme étant son film favori et flirté avec le genre dans le second volume de
Kill Bill, lors du segment centré sur le personnage de Michael Madsen. Mais il aura fallu attendre sa vingtième année de carrière pour voir Quentin Tarantino s'attaquer au western. A mon grand soulagement,
Django Unchained s'impose comme l'oeuvre la plus mature du cinéaste depuis
Jackie Brown : nulle accumulation excessive "d'hommages" ici comme dans son diptyque, nulle paresse dans l'écriture comme dans
Boulevard de la mort, ni impression de production précipitée et de suffisance comme dans
Inglourious Basterds. Ici, le cinéaste ne se sert pas d'un genre pour dépoussiérer sa vidéothèque, mais bien pour servir un propos ô combien sensible : la question de l'esclavage. L'une des grandes forces du cinéma de genre, après tout, a longtemps été sa capacité à allier divertissement et réflexion et ce long-métrage nous le rappelle. En ce sens, les nombreux regards que chaque interprète noir lance au personnage de Django, esclave affranchi, se révèlent puissants et en disent plus long sur la condition afro-américaine, avec subtilité, que certaines filmographies plus ouvertement politisées.
La première heure de
Django Unchained se révèle parfaite : un chasseur de primes interprété par un Christoph Waltz drôle et souvent touchant affranchit un esclave, se lie d'amitié avec lui et lui apprend son métier. On les suit, saison après saison, et Quentin Tarantino livre de magnifiques compositions de grands espaces, de villes boueuses ou de territoires enneigés comme dans le cinéma de Sergio Corbucci, cinéaste principalement convoqué ici. Bien avant la gravité qui s'annonce, l'humour répond au rendez-vous, même lorsque les coups de feu résonnent et repeignent les paysages en rouge. La seconde heure, qui marque l'entrée en scène de Leonardo DiCaprio en riche propriétaire terrien, est loin de m'avoir autant convaincu : si l'acteur, glaçant, livre un grand numéro au point de voler la vedette à Waltz et Jamie Foxx, ses scènes m'ont semblé statiques et bavardes, comme du théâtre filmé. Bien entendu, les fans du cinéaste avanceront l'habituel argument :
"les films de Tarantino sont bavards et c'est pour cette raison que nous les aimons". Mais il y a bavardage intéressant et bavardage ennuyant... Sans compter tous ces choix musicaux qui m'ont semblé à côté de la plaque.
Quentin Tarantino a sans doute épuisé toutes ses cartouches trop tôt et puisque tout est connu d'avance, il est difficile de se passionner pour ces interminables échanges autour d'une table. Mais dès qu'il s'agit d'assurer le spectacle, de filmer une fusillade, il répond présent. L'homme, après tout, a montré de quoi il était capable en filmant Uma Thurman sabre à la main au Japon et peut en faire de même avec Jamie Foxx flingues au vent dans le Sud des Etats-Unis. Et s'il a eu la mauvaise idée de se confier un tout petit rôle, histoire de rappeler quel mauvais acteur il peut être, il atteint un nouveau cap dans la représentation de la violence : jusqu'ici, elle m'avait toujours semblé
cartoonesque, en aucun cas réaliste, si ce n'est peut-être à ses débuts, avec la fameuse scène de torture de
Reservoir Dogs. Mais nul humour ici, lorsqu'un homme noir se voit dévoré vivant par des chiens, devant des blancs hilares : un grand malaise plutôt. Oui, le film est divertissant et même, disons-le, romantique. Mais il fait surtout mentir
a posteriori, j'insiste, ce critique qui, voici quelques années déclarait :
Quentin Tarantino n'a rien à dire, mais il le dit mieux que personne.A présent, alors qu'il ne lui reste sans doute plus qu'une poignée de films à tourner, il semblerait que le cinéphile laisse parfois sa place à l'homme. Et son cinéma en sort grandi.
Note : 7,5/10