Outrage, de Takeshi Kitano (2010) L'histoire : Un yakuza se fait reprocher par son supérieur ses liens avec un autre chef de clan. Il décide donc de simuler une brouille avec ce dernier, mais les choses s'enveniment, au point de provoquer un jeu de massacre...Outrage a marqué le retour de Kitano au
yakuza eiga après une trilogie introspective peu convaincante... Témoignage d'une crise d'inspiration, d'une pauvreté formelle alors inédite pour le cinéaste, cette trilogie constituait-elle une thérapie de luxe salutaire ou bien marquait-elle la mort d'un immense talent ? Difficile de répondre, car ce retour à la violence tant attendu par ses fans laisse une impression mitigée. Kitano, au moins, ne se répète pas : aucune place pour la poésie ici, ni pour les jeux enfantins, mais plutôt un hommage à son maître, Kinji Fukasaku, une façon de reprendre les choses là où le réalisateur du
Cimetière de la morale les avait laissées... A savoir : dresser un état des lieux du crime organisé japonais en ce début de XXIe siècle, marqué par la mort de certaines valeurs, quand l'intérêt personnel l'emporte sur ceux du clan. Le rire du personnage interprété par Kitano lui-même, lorsqu'un yakuza refuse de se couper un doigt avec un cutter, est ainsi symptomatique : ces hommes ne sont plus que des caricatures, les fruits d'un égoïsme galopant.
Le film est parfait dans son premier acte : son esthétique, magnifique, tranche avec la médiocrité générale de la production locale, et l'humour noir qui parsème ce jeu de massacre nonsensique fait mouche. Mais lorsqu'un personnage de consul africain, interprété par l'un des pires acteurs jamais vus sur grand écran, fait son entrée et que les yakuzas lancent un casino clandestin, la mécanique s'enraye : Kitano a grillé toutes ses cartouches et fait le tour de son sujet lors des quarante premières minutes. Dès lors, il ne reste plus au spectateur qu'une bouée de sauvetage pour conserver son intérêt : suivre les mises à mort, inventives à défaut d'être réalistes, jusqu'à la conclusion finale, qui rappelle l'importance des liens entre yakuzas et forces de l'ordre et consacre l'avènement d'une nouvelle génération, immorale avant tout. Un film que je revois légèrement à la hausse, mais qui demeure toutefois une déception à mes yeux : le meilleur de Takeshi Kitano, je le crains, se trouve à présent derrière lui.
Note : 6,5/10