True Grit - Joel & Ethan Coen - 2010
Tels les touches à tout de génie qu'ils sont, les frères Coen se plaisent à revisiter les genres et les époques. Avec True Grit, ils s'adonnent cette fois au western, pour un résultat d'autant plus réussi que ce type de films est tombé en désuétude après avoir réjoui les spectateurs du monde entier des décennies durant. Exit la branche spaghetti et place au traitement dans la plus pure tradition, à mi chemin entre l'approche classique et son pendant crépusculaire. Ici, la jeune Mattie Ross, 14 ans, embauche l'US Marshal Rooster Cogburn pour traquer l'assassin de son père, un certain Tom Chaney. Ils seront rejoints dans leur chasse à l'homme par le Texas Ranger Laboeuf, lui aussi à la poursuite du bonhomme pour ses crimes commis sous d'autres cieux.
Une fois de plus, les deux frangins visent dans le mille en remaniant (légèrement) à leur sauce les ingrédients de ce genre quasi immuable et en profitent une nouvelles fois pour offrir à leurs acteurs des rôles en or. Jeff Bridges est parfait en vieux briscard dont les faits de gloire sont derrière lui et qui a un fort penchant pour la bouteille. Son personnage pourrait être considéré comme un ancêtre de Lebowski tant il peut faire preuve de nonchalance par moment. Matt Damon hérite quant à lui d'un rôle de couillon texan, arborant fièrement la moustache et très imbu de sa personne. Avec son look et son accent redneck impeccable, il tient peut être ici son meilleur rôle, lui qu'on a parfois pu trouver trop lisse par le passé avec son visage de poupon. Mais la vraie révélation du film, c'est évidemment la jeune Hailee Steinfeld, qui tient tête de manière magistrale à ses partenaires de jeu. Du haut de ses 14 ans, sa gouaille et son assurance en font un des personnages féminins les plus forts que le cinéma nous ait offert ces dernières années.
Le récit est exclusivement centré sur son point de vue, elle n'est jamais agaçante (bien au contraire) et mène sa barque comme un vrai bonhomme. Du fait de ce choix narratif, on suit constamment l'évolution du trio et les bad guy de l'histoire seront la plupart du temps simplement évoqués, tels d'insaississables chimères. En les découvrant enfin à l'image à l'approche de l'épilogue, le soin d'écriture les concernant est à l'avenant des personnages principaux. Même pour 5 minutes de présence, Josh Brolin et Barry Pepper bénéficient de rôles sur mesure, parfaitement lookés (résurgence de No Country for Old Men pour le premier, style impayable et chicots en vrac pour le second). En 2 ou 3 scènes, tout est dit à leur sujet, leur leitmotiv, leur code de l'honneur, leur fourberie. Dans le genre caractérisation express au bénéfice de l'histoire, on peut difficilement faire mieux.
La Dream Team Coen est évidemment de sortie pour l'occasion. Roger Deakins nous régale les mirettes comme à son habitude avec sa photo lêchée (l'introduction du personnage de Damon, ça te pose une ambiance en deux secondes) et Carter Burwell transcende l'aspect visuel avec une nouvelle composition de choix. On se sent vraiment impliqué dans cette chasse à l'homme, tel un quatrième larron qui aurait pris part à l'aventure. Bien que le rythme du film ne soit pas des plus survoltés, on ne décroche pas une seule seconde. Il faut attendre pratiquement la moitié du film pour que les colts soient réellement dégainés et à chaque fois les séquences font mouche, aussi brèves soient-elles. Tout ce qui passe à partir de la scène avec les deux complices de Pepper dans la cahute isolée, c'est juste de l'or en barre pour les fans. Au final, les frères Coen livrent une fois encore un film trépidant, drôle (la scène avec les gosses indiens
), respectueux du genre et forcent l'admiration par la constante qualitative de leur filmographie. Ils peuvent remaker tous les John Wayne pourris de la création jusqu'à la fin de leur carrière (comme c'est le cas ici), si c'est pour nous procurer autant de plaisir, on signe les yeux fermés.
8.5/10