[Dunandan] Mes critiques en 2012

Modérateur: Dunandan

Dolls - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Dim 16 Déc 2012, 17:54

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Dolls, Takeshi Kitano (2002)

Dolls, véritable tournant de Takeshi Kitano ? Oui, si on le compare à sa (première et véritablement réussie) trilogie introspective représentée par Kids return, Hana-bi, et L'été de Kikujiro). Mise en abîme d'un spectacle de Bunraku qui transpose trois histoires d'amour éternel malgré la pression sociale, on change en effet de sujet et d'angle : au lieu de prendre des losers comme points de départ, il commence avec des personnages voués à la réussite mais qui échouent en persistant contre leur instinct. Mais en même temps, l'extrême mélancolie qui s'empare des images, soutenue par un défilement de ces dernières étiré à l'extrême (parfois un peu trop, c'est mon bémol) et des visages figés par une tristesse sourde, nous indique qu'il ne s'agit que d'une variante subtile du style cinématographique du réalisateur, qui nous partage une fois encore l'irrésistible incommunicabilité de ses personnages.

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Dans le fond, ça nous raconte peu de choses et c'est résumé en une phrase dans le spectacle introductif du kabuki. A côté de l'amour, honneur, gloire, et richesse ne sont que poussière. Les trois histoires qui se déroulent ensuite n'en sont qu'une variante : un employé qui sous la pression de ses parents et de son patron, doit lâcher sa copine pour se marier à la fille de ce dernier ; un vieux yakuza qui se rappelle le prix qu'il a payé pour sa réussite sociale ; le fan d'une star de la jeunesse qui décide de se défigurer pour que cette dernière, également accidentée, puisse supporter son regard nu.

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Pour que ces trois histoires fonctionnent, comme d'habitude avec Kitano, il faut se laisser happer par la force des images. Elles ont d'abord cet aspect brut, sec, étouffant. Double distance entre les personnages : entre-eux et eux entre nous. Une fenêtre vers la société japonaise qui ne laisse pas vivre ses individus et les force à la réussite, qui ainsi se retrouvent tout seuls. Mais progressivement, ces images ont cette force rare de vertu poétique et thérapeutique. Il n'y a pas plus minimaliste que Kitano, mais le montage inclue des respirations par les regards mélancoliques pris d'un bref attendrissement, ou par des jeux qui viennent ouvrir la porte du réel pour y inclure de la fantaisie, et surtout par la quiétude d'un environnement saisonnier fleurissant et changeant, qui accompagne la plupart de des personnages, en rythme avec la musique de l'ex-compositeur de Kitano qui une fois de plus se met en diapason avec les images que nous offre ce dernier en lui rajoutant une fine couche d'émotions.

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Ces images virent parfois au sublime, et ressemblent à des traits de pinceaux sur une peinture dont l'ensemble offre une vue saisissante. Pour nous parler de mort, une simple feuille automnale suffit pour l'évoquer. Ou pour présenter ces êtres déchirés, un ange renvoyant à l'enfance ici, ou un papillon abîmé là-bas, s'en font les porte-parole. Et comment oublier ces deux êtres reliés par cette ficelle rouge, qui ont tout quitté pour être ensemble, présentés comme les mendiants enchaînés, agissant comme des ombres d'eux-mêmes et semblant être guidés par une main invisible ? Tout un symbole de l'amour éternel qui supporte tout. Un film d'une qualité un peu en deça de la trilogie présentée plus haut, mais quand même une belle réussite à fleur de peau. Dommage que cette inspiration sera arrêtée nette avec Takeshi's.

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Une sublime mise en abîme de l'amour éternel via un spectacle de marionnettes, très mélancolique et poétique, dotée d'un rythme étiré à l'extrême. Implicitement un portrait cinglant de la société japonaise et de ses impératifs de réussite.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Jimmy Two Times » Dim 16 Déc 2012, 17:59

Faudra que je me le refasse un jour. J'avais lutté au cinéma...
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 16 Déc 2012, 18:00

Oui c'est le défaut que j'ai retenu également, des bouts de pellicule en trop, mais passé cette impression, j'ai reçu un enchaînement de décharges émotionnelles (non non ce n'est pas le froid ni ... :mrgreen:).

Voilà il me reste encore Zatoïchi avant de découvrir ses trois embardées introspectives et son dernier film ... Puis j'essaierai aussi de me refaire son Getting Any tiens ... :|
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Mark Chopper » Dim 16 Déc 2012, 18:12

Zatoichi je pense que tu peux adorer...

Par contre, Getting Any : une deuxième fois ? Tu es dingue :mrgreen:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 16 Déc 2012, 18:14

Je l'ai déjà vu Zatoïchi (de mémoire c'est du 7/10 parce que bon c'est quand même moins bien que certains des anciens, et surtout le sang numérique se voit trop, mais je ne l'ai pas vu depuis au moins 5 ans, mon avis peut changer).

Et figure-toi que je l'ai vu plus d'une fois Getting Any :eheh: (bon par contre va falloir que je me le rechope en Albanie ^^). Le pire c'est que je pourrais me faire une critique de tête car je sais exactement quoi dire, mais voilà ce n'est pas dans mes principes.
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Getting Any? - 5/10

Messagepar Dunandan » Mar 18 Déc 2012, 02:52

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Getting any ?, Takeshi Kitano (1994)

Après être parvenu à la crête de son style cinématographique avec Sonatine, T. Kitano intentait par ce Getting Any, un retour aux sources de son humour potache de la télévision japonaise, pour se moquer intégralement de ce qu'il a accompli pour être de nouveau créatif (Kitano raconte d'ailleurs que Kurosawa aurait mieux fait de faire un suicide artistique et symbolique à la suite de l'échec de Dodes'kaden). Un tournant artistique qui se concrétisera avec sa fameuse "trilogie" semi auto-biographique qui va suivre.

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Kitano Biatch ...


A ce titre, ce film est fascinant par la bêtise qu'il dégage. Via ce personnage qui ne pense qu'au sexe et s'imagine gagner de belles filles s'il a une décapotable, de l'argent, ou s'il devient acteur, yakuza, invisible, ce film s'enfonce tellement dans la débilité (et aussi parce que ça ressemble davantage à des sketchs enfilés les uns à la suite des autres) qu'on finit par perdre un peu le fil de l'histoire (mais bon, vu comme elle est mince, ce n'est pas bien grave). Les gags sont bien japonais et sont souvent écoeurants, de mauvais goût, mais c'est quand même rigolo de reconnaître certaines sources/genres cinématographiques tournés en ridicule (dans le désordre : Zatoïchi, la mouche, ET, La marque du tueur, ...) et aussi de voir toute sa troupe d'acteurs (que l'on retrouve dans ses autres films) nous soutirant parfois un sourire ou deux devant tant d'absurdité et de scènes "autre" (comment rester stoïque par exemple devant cet exercice du meilleur tueur avec ce sabreur qui dégomme de l'atome, ou encore qui n'a pas rêvé de ces mêmes fantasmes d'adolescent boutonneux - bonus boobs inside - ?).

Bref, un mauvais film, certainement, sans véritable enjeu, mais il faut reconnaître que ce genre d'humour est disséminé dans l'oeuvre de Kitano (les petits jeux à la con par exemple), à petite dose il est vrai, et surtout mieux intégré à l'histoire. Je mets quand même la moyenne, car il a beau être décousu, pas toujours drôle, souvent déconcertant, et même très con, voilà un film qui m'a fait découvrir un certain humour japonais, et surtout un autre visage de T. Kitano que je ne connaissais pas bien (je n'ai donc pas hésité à le revoir plusieurs fois contre l'avis de mon psychiatre).
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Du Sang dans le Désert - 8/10

Messagepar Dunandan » Ven 21 Déc 2012, 06:34

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Tin star, Anthony Mann (1957)

A. Mann nous offre de nouveau une peinture percutante de l'Ouest, centrée sur l'individu en tension avec sa communauté, cette fois-ci axée autour d'une relation prof-mentor où s'affrontent deux idées de l'ordre et de la justice. Un récit assez classique dans le fond, mais intelligemment mené par de bons acteurs, bien rythmé, et prenant constamment le spectateur à contre-pied, ce qui en fait un divertissement de qualité, à tel point qu'il est dans mon TOP 3 avec Winchester 73 (pour son script original et sans temps mort) et Le cid (pour son ambition), avec L'appât et L'homme de l'Ouest pas très loin derrière (il me reste à voir L'homme de la plaine qui fera probablement parti de mes préférés).

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L'introduction est vraiment très bonne, grâce à une multiplication de ruptures de ton bien sentie. Durant les premières images, un sentiment d'évasion nous prend à la gorge avec ces paysages grandioses encerclant un homme à cheval et cette musique entraînante. Une vision idyllique contredite lorsque ce même individu pénètre dans la ville avec son chargement morbide, cette fois-ci encerclé par les habitants. Difficile d'identifier la provenance de la menace : lui ou les autres ? D'autant plus que ce n'est que progressivement que l'on apprend davantage à son sujet. C'est dans la même logique que le film ne cesse d'alterner deux types d'ambiances, d'un côté une humeur bon enfant à l'intérieur d'un petit ranch retiré, véritable havre de paix pour le personnage principal, et de l'autre les différentes péripéties de la ville, qui sont pour lui au contraire un dur rappel des réalités et des obligations. Demeurer à l'écart ou s'impliquer, tel est son dilemme.

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J'ai vraiment apprécié l'histoire de ce western qui reprend un peu l'idée de départ de Je suis un aventurier, avec ce chasseur de primes, qui est d'abord égoïste et ne pensant qu'à ses sous, puis qui dévoile peu à peu son coeur, son traumatisme, et son expérience d'ex-shérif. Il n'y a pas de véritable bad-guy dans ce film, et c'est ce que j'appellerais un western de la communauté humaine. Plusieurs types de personnages la peuplent : ceux qui ne se veulent pas se mêler des affaires des autres et se mettent ainsi à l'écart des problèmes de la ville, comme l'ex-shérif et la femme qui l'héberge (s'expliquant par le fait que son fils est à moitié indien, pouvant ainsi attirer la haine raciale - petit clin d'oeil à la Porte du diable -) ; le jeune shérif, incarnant le devenir de la ville, ayant pour idéal de ramener les personnes recherchées vivantes pour un jugement équitable, mais sa naïveté et son inexpérience lui attirent des ennuis ; les "brutes" (que presque rien ne distingue des soit-disant bad-guy), incarnant l'in-civilisation par excellence, le rôle inverse du shérif, et la mauvaise conscience du chasseur de primes, en instituant que tuer est justifié pour ramener l'ordre ; et enfin les hommes au service du bien commun comme le docteur, incarnant comme le père du shérif, un passé qui ne peut survivre à la sauvagerie des temps actuels, malgré sa perspicacité.

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Ce film repose avant tout sur la relation père-fils entre le chasseur de primes et le jeune shérif (le titre original est de nouveau bien plus approprié que la traduction française qui ne veut rien dire). Il s'agit pour moi de l'un des passages les mieux écrits du film : cet enseignement désenchanté du maniement du pistolet basé sur l'expérience, et cette observation psychologique de l'action visant à déterminer si ça vaut le coup de s'impliquer dedans. Mais la réciproque est vraie puisque l'ex-shérif se fait aussi enseigner par le jeune shérif, sur les valeurs morales et sa ténacité à les appliquer. Ainsi l'enjeu du film s'inscrit dans ce double parcours croisé, auquel se rajoute le jeune métis que l'ex-shérif prend d'affection. Comme pour le personnage de Je suis un aventurier, même en évitant les problèmes, ceux-ci le rattrapent alors qu'il cherchait seulement à obtenir son argent. Un coup ironique de la destinée, puisqu'aider ce jeune shérif à prendre les choses en main, puis cette petite famille adoptive qu'il s'est fait lui rappelant celle qu'il a perdue, tout ça sans chercher plus loin, va simultanément le remettre sur le "droit chemin" et le guérir de son passé traumatique. Les deux acteurs qui interprètent cette paire de justiciers sont franchement bons, H. Fonda en tête bien sûr, alors que son rôle pouvait facilement aboutir à quelque chose de bancal, à cheval entre son égoïsme et sa solidarité élective. Mais Anthony Perkins, plus connu pour son rôle dans Psychose, ne démérite pas en offrant une belle prestation d'un shérif juvénile qui veut apprendre à être un homme dans la vraie vie, sans jeter ses principes à la poubelle (le reste du casting est sympa mais plus anecdotique, surtout un Lee Van Cleef qui joue le bad guy lambda). Au final, on a le parfait western anti-héroïque (et c'est là que le titre original révèle sa signification), puisque d'un côté, tuer les "méchants", c'est la solution facile et égoïste, tandis que les garder en vie, c'est ça être un shérif intègre, et par extension, un homme juste. Le climax final clôt ce dilemme et ce cheminement moral, à contre-courant avec les westerns "manniens" puisqu'aucune goutte de sang n'est versée. Un pur duel psychologique qui remplace la traditionnelle ronde des revolvers, mais qui préserve la même tension. Et le tour que prend le film annonce de manière magnifique le prochain western de Mann, puisqu'on assiste ni plus ni moins à l'achèvement d'une page de l'Ouest, et au commencement d'une nouvelle.

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Enfin, je suis très content que A. Mann revienne au N & B, marque d'un grand nombre de ses meilleurs films. Et grâce à sa maîtrise de la mise en scène permettant d'oublier l'absence du scope, il offre peut-être l'une de ses meilleures réalisations. D'abord cette introduction parfaitement menée où on suit ce cavalier avec son chargement mystérieux via un travelling latéral. Puis sa maîtrise de la profondeur de champ qui a fait sa renommée, mise en valeur à la limite du maniérisme. Par exemple, durant le moment où le bureau du shérif est encerclé par la ville, aucun obstacle ne s'inter-pose entre l'extérieur et l'intérieur, les habitants et le jeune shérif, et ainsi tout semble possible. Il y a aussi la scène du miroir qui dévoile tout ce qui se passe derrière les justiciers, mettant à l'épreuve les nerfs et patience de ces derniers, et montrant ainsi que le temps n'est pas toujours à l'action. Enfin l'utilisation ou non du colt est bien mise en valeur, petit rappel significatif de Winchester 73 qui suit le point de vue d'une arme qui a fondé l'histoire d'un pays par le sang qu'elle a fait couler. Au final, ça nous donne l'un des meilleurs réalisateurs de western tant dans le fond que dans la forme (il est même intéressant de les voir en parallèle tant leurs thématiques se répondent), qui ne m'a que rarement déçu en la matière.

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Encore un bon western de Mann qui livre un super combo : H. Fonda + N & B + histoire anti-héroïque.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Ven 21 Déc 2012, 07:53

Dommage qu'il soit moins connu que les autres westerns de Mann car il est tout aussi bon ( j'ai d'ailleurs été un peu radin encore une fois )
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Heatmann » Ven 21 Déc 2012, 09:24

ouaip , au niveau presque de man of the west , far country et laramie pour moi ( mon top 3 , et donc tin star ex aequo )
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Zatoïchi - 8/10

Messagepar Dunandan » Ven 21 Déc 2012, 09:31


Après Dolls, il s'agit de la seconde fois que Kitano s'illustre dans la tradition japonaise, et il réussit de nouveau à conjuguer l'ancien et le moderne, ici dans le chambara, tout en distillant son style par petites couches. Ainsi, loin de nous refiler un remake de la célèbre série Zatoichi, que j'aime beaucoup par ailleurs, Kitano nous livre une oeuvre plutôt atypique n'ayant presque aucun rapport avec les originaux. Que nous ayons vu ou pas ces derniers, cela ne fait donc presque aucune différence.


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La séquence introductive est un véritable condensé de ce qu'on trouve dans le genre : combats au sabre secs et ensanglantés ; deux individus mystérieux en quête de vengeance ; un samouraï sans maître qui met son talent au service du plus offrant (pour sauver sa femme, et on l'apprend au fil du récit, par sentiment d'infériorité) ; et enfin un clan super-puissant qui profite de la faiblesse des paysans pour s'enrichir sur leur dos. Mais une chose m'a frappé : Zatoïchi est placé à l'arrière-plan comme un personnage secondaire. Et contrairement à l'original, ses tourments moraux ou existentiels sont totalement absents, seule sa capacité sur-humaine au combat est mise en valeur, le transformant ainsi en véritable machine à tuer (même s'il reste du côté du bien). En fait, la dimension dramatique repose entièrement sur les deux mystérieuses geishas et le ronin, qui nous offrent des moments très touchants. Tout comme les personnages "classiques" de Kitano, ils marchent par paire, partageant ainsi un destin commun, et leur souffrance semble incommunicable, vouée à l'errance (finalement comme "l'ancien Zatoïchi"). On va donc plus loin qu'une simple relecture de l'original, et c'est même tout le genre du chambara qui s'offre à nous, marqué par la griffe de Kitano. Comme autres personnages "classiques" de ce dernier, je pense notamment au fou qui court partout avec sa lance pour se préparer à une guerre qui n'existera jamais, et fait écho à l'absurdité de toute cette violence qui résulte de l'art du samouraï, où la farce n'est pas bien loin, et au sidekick comique qui essaie de tout faire comme Zatoïchi et ses compagnons (jeu de dés, sabre, maquillage de femmes). Grâce à ce dernier, on retrouve les petits jeux débiles de Kitano. Par ailleurs, ce n'est pas très appuyé, mais les incursions de l'enfance renvoient à une violence latente qui semble se faire l'écho de celle des adultes (la mise à tabac de l'épouvantail).

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Puis formellement, c'est assez original pour le genre, comme cette manière de filmer durant certains combats, en faisant un arc de cercle de manière à épouser le mouvement des sabres et à distinguer progressivement le vainqueur et le perdant. Ensuite, si leur violence graphique faisant usage d'un sang numérique m'avait gêné la première fois, je la trouve finalement utilisée de manière inspirée et stylisée comme dans les mangas, et fait même suite au travail effectué dans Aniki mon frère. Une violence qui joue aussi beaucoup sur la lisibilité de l'impact des sabres dans la chair. Par contre ce qui pose encore problème à mon sens, ce sont les sabres qui semblent parfois flotter à travers les corps. Ensuite, la manière dont la musique (pour la première fois composée par Keiichi Suzuki, plus connu pour ses B.O. de jeux-vidéo) se marrie aux sons de la vie quotidienne ou des jeux est assez étonnante, rapprochant ainsi certaines scènes d'une comédie musicale. Une utilisation du son qui sera illustrée à son maximum lors d'un spectacle final qui tranche avec le ton général du film, mélange de tap-dance et de numéros plus traditionnels.

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Bref, contrairement à 13 assassins de Miike, je trouve que Kitano parvient brillamment à éviter le piège de la redite par rapport à son modèle. Il nous offre un divertissement efficace, faisant appel à des références classiques (par exemple la fête finale et le combat sous la pluie qui font penser aux 7 samouraïs) tout en prenant à contre-pied les attentes du spectateur avec des variantes pop et des storylines qui dérivent du schéma traditionnel. Et je n'ai pas parlé des nombreux intermèdes de jeux folkloriques qui rajoutent à l'atmosphère. A ce sujet, T. Kitano raconte qu'il voulait vraiment mettre en valeur le talent artistique de chacun. Il ne faut pas oublier que le chambara est propice à l'exaltation de l'art (d'ailleurs les anciens Zatoïchi en font souvent mention), ce qui donne ici un film profondément multiforme. Un indispensable pour tout amateur du genre.

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En se démarquant assez fortement de son modèle tout en reprenant ses grandes lignes, T. Kitano signe un chambara à la fois classique et moderne, doté d'une patte artistique indéniable.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Ven 21 Déc 2012, 09:41

Bon ça se voit que Way ne connaissait pas le chambara à l'époque, et n'avait pas vu de Kitano non plus :mrgreen:

Heatmann a écrit:ouai il est tres tres bien aussi , mais je sais pas , j'ai toujour une preference pour ceux avec stewart


Je ne l'ai jamais vu mauvais Stewart dans un Mann, puis surtout il m'a fait fait entrer dans le western des années 50 par la bonne porte. Mais Fonda j'adore aussi, puis sérieux je me demande si Tin star n'est pas le meilleur western techniquement parlant de Mann (c'est une question : il ne me reste plus que L'homme de la plaine et Furies à voir, je crois, parmi ses plus réputés).
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Mar 25 Déc 2012, 22:57

Petite MAJ sur Tin star (j'arrête après promis :mrgreen:), cf plus haut.
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Miracle de la 34e rue (Le) - 7/10

Messagepar Dunandan » Sam 29 Déc 2012, 08:54

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Le Miracle de la 34e rue, George Seaton (1947)

Joli petit conte familial sur le véritable sens de Noël, pouvant aisément se passer d'un remake inutile, qui vaut le coup essentiellement pour la relation entre ce mystérieux barbu prétendant être le Père-Noël et finit par prend sa place dans un magasin de jouets, au regard pétillant et aimable avec tout le monde, et cette petite fille élevée comme une grande ne croyant pas en la magie (de Noël) et l'imagination. La première séquence épouse les mouvements de ce vieillard, qui nous laisse au passage quelques doutes préliminaires sur son identité véritable. Est-il le vrai Père-Noël ou seulement un excentrique, tel est le fil conducteur de l'histoire.

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Mais la véritable question porte sur la capacité à nous émerveiller de l'incroyable et à préserver notre âme d'enfant, en dépit du pragmatisme ambiant. Le cas de cette petite fille, ainsi que celui de sa mère divorcée (qui élève cette dernière pour qu'elle évite de répéter ses propres erreurs de femme), sont donc un véritable défi pour ce vieil homme enjoué, avec la complicité d'un avocat idéaliste, qui veulent croire que la magie de Noël existe encore. Au passage, sa tournure commerciale en prend un bon coup, de façon assez ironique puisqu'en plaçant le désir des enfants avant tout, Kris Kringle les envoie vers d'autres magasins, accroissant paradoxalement les chiffres d'affaire et le sourire de leurs directeurs. Mais son excentricité fait des émules avec le psychiatre du magasin, qui considère tout excès de bonté et d'altruisme comme comportement anormal et névrose freudienne, le conduisant ainsi à le jeter dans un asile de fous.

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Un peu déçu que la contre-attaque de l'esprit de Noël contre les logiques commerciales et psychiatriques prenne autant d'espace, trop sur-lignée à mon goût (même si c'est précurseur et fait de manière assez originale), au détriment de la relation entre le vieillard et la petite fille, qui finalement manque un peu d'étincelles. Ce qui n'enlève rien à la qualité des deux acteurs dont l'interprétation connut un grand succès et révéla N. Wood au public. Mais cette approche pragmatique est peut-être aussi ce qui constitue la force du film, ce que le procès final exploite jusqu'au bout : prouver l'importance de Noël non par une voie magique ou manipulatrice, mais raisonnablement et socialement. Ainsi, Le miracle de la 34ème rue se révèle plus intelligent et moins niais que bien d'autres films du même genre, et parvient même à faire une critique implicite du gosse gâté-pourri qui obtient toujours ce qu'il veut, en nous enseignant que croire en quelqu'un est plus important que le cadeau en lui-même.

Beau conte moderne sur le véritable sens de Noël qui vaut surtout pour son duo central. Assez intelligent sur le fond bien que certainement trop gentillet pour les plus endurcis.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar zack_ » Sam 29 Déc 2012, 12:53

Faudra que je me penche sur cette version
mais j'en pense pas moins du remake avec Richard Attenborough
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Sam 29 Déc 2012, 15:48

"Pas moins" dans quel sens ?

En tous cas, je la conseille cette version. Même si ça manque parfois d'étincelles, c'est bien traité et bien mené.
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