Maniac de Franck Khalfoun
(2013)
Drôle de choix que de vouloir adapter à nouveau le fameux Maniac. Dès l'annonce du remake il y a un peu plus de trois ans, le projet aura suscité de nombreuses réactions, à commencer par la colère justifiée des fans du film original qui voyaient là une nouvelle tentative de moderniser une œuvre qui n'en a pas du tout besoin. Ceux qui n'ont jamais eu la chance de voir le film de William Lustig (et qui sont conviés par l'auteur de ces lignes à y remédier rapidement, encore qu'il n'est clairement pas à mettre entre toutes les mains) auront sûrement déjà eu l'occasion d'apercevoir la fameuse affiche désormais culte, un poster qui n'hésitait pas à choquer par sa démonstration visuelle (à l'image du film) en montrant partiellement un tueur armé d'un couteau, tenant fermement dans sa main le scalp d'une femme blonde, avec les quelques tâches de sang que cela suppose. Quand à ceux qui ont déjà pu voir ce bijou de cinéma extrême, ils auront évidemment le souvenir d'un film marquant, le genre de pièce filmique qui laisse difficilement indifférent.
De par une approche clairement originale (le point de vue adopté étant celui d'un serial-killer dérangé), une mise en scène maîtrisée malgré un budget ridicule (550 000 $) et une radicalité visuelle étonnante via des effets gore en plein écran, Maniac avait réussi à s'imposer sans peine comme un film culte pour les amateurs de cinéma de genre tout en conservant un impact certain, puisque le film, 32 ans après sa sortie, figure encore parmi les plus dérangeants jamais réalisés. Pourtant, force est de constater que le rattachement d'Alexandre Aja au projet avait tout de même de quoi susciter la curiosité. D'une part parce que le cinéaste français a prouvé via ses propres réalisations que ses remakes possédaient toujours une justification à la fois narrative et formelle (notamment sa version de La Colline a des Yeux), mais aussi parce que Aja est un amoureux du film de Lustig, ce qu'il a prouvé définitivement via une séquence de Haute Tension se déroulant dans les toilettes d'une station-service qui reprend plan pour plan la scène du métro dans Maniac. On avait donc de quoi espérer un remake plutôt fidèle dans l'esprit, d'autant que Lustig lui-même a donné sa bénédiction à Aja au point de produire en partie le métrage aux côté de Thomas Langmann (qui pourrait, par ailleurs, continuer de produire des films de genre à l'avenir).
Hélas, si pendant un temps le film devait être réalisé par Grégory Levasseur, ami d'Aja de longue date et co-scénariste de la totalité de ses films, le projet a finalement été confié à Franck Khalfoun, réalisateur du médiocre 2ème Sous-sol. Un choix qui n'augurait absolument rien de bien et qui se vérifie finalement au résultat final. Car voilà, si Maniac cru 2012 transpire à chaque plan d'un travail sincère et d'un respect évident du film
original, c'est véritablement sa capacité à se créer une véritable identité propre qui lui manque pour en faire un film véritablement intéressant. Et cela commence avec la fausse bonne idée qui est la note d'intention même du métrage, à savoir mettre le spectateur à la place de ce personnage de serial-killer via le procédé de la caméra subjective. L'idée en soi n'est pas inédite, puisque bien avant l'apparition du FPS dans le milieu vidéoludique, le cinéma tentait déjà d'explorer le subjectivité avec des films comme La Dame du Lac de Robert Montgomery ou La Femme Défendue de Philippe Harel. Une utilisation qui aurait pu donner quelque chose d'original dans le cas présent, puisque l'on recherche avant tout le fonctionnement narratif avant la performance visuelle à base de plan-séquence.
Et pourtant, Maniac a véritablement beaucoup de mal à fonctionner sur ce point là et souffre constamment de la comparaison avec son prédécesseur qui n'avait pas besoin d'autant d'artifices pour créer une empathie entre le personnage présenté et le spectateur. Pire encore, la caméra subjective donne l'impression d'être un simple gadget puisque certains plans du film se détachent de cette intention de subjectivité, et le procédé donne finalement le résultat inverse que celui espéré puisque, en tant que spectateur, l'immersion, qu'elle soit visuelle ou émotionnelle, ne fonctionne pas du tout. Aucune tension, nulle mise en abyme, volonté de réalisme trop forcée pour être suffisamment crédible, on est bien loin de ce qu'avait pu faire Gaspar Noé sur Enter The Void qui, lui, proposait des vraies idées de cinéma au service d'un concept justifié.
C'est d'autant plus dommage que le scénario, malgré quelques aspects perfectibles, s'éloigne finalement assez de l'original pour susciter l'attention. Certes, l'intrigue reste plus ou moins la même avec quelques séquences directement reprises (le final notamment ou encore la séquence du métro) mais le concept est véritablement modernisé et se concentre bien plus sur la relation le héros et la jeune artiste rencontrée. Quand au background du héros, s'il a la qualité d'approfondir quelque peu le personnage, et notamment sur le caractère fétichiste des mannequins, on ne peut s'empêcher de penser que la force et le charme de l'original venait justement d'un Joe Spinell que l'on ne cherchait à comprendre constamment sans jamais réussir. D'autant que Khalfoun manque cruellement de subtilité lorsqu'il s'agit de traiter les traumas de son héros, à grand coup d'hallucinations aussi inutiles que ratées.
Enfin, notons tout de même la principale surprise du film, à savoir le choix d'Elijah Wood pour incarner le fameux serial-killer. Une décision compréhensible puisque si le physique particulier de Joe Spinell collait parfaitement à l'ambiance crade du New-York des années 80, celui d'Elijah Wood convient très bien à celui du Los Angeles de nos jours, avec son apparence passe-partout et son visage d'ange qui provoque la confiance de ses futures victimes. L'acteur se révèle même plutôt doué dans un tel rôle, mais là encore, le procédé narratif ne joue pas vraiment en sa faveur, puisqu'il apparaît finalement très peu à l'écran. Ainsi donc, malgré une note d'intention intéressante et une volonté évidente de se démarquer de la plupart des résultats de la mode du remake, notamment via une violence omniprésente (les scalps face caméra) et une ambiance rétro assumée (sympathique composition musicale signée Rob, membre du groupe Phoenix), Maniac arrive difficilement à convaincre. La démarcation vis à vis de l'original est bien là, mais on y perd au passage le charme dérangeant qui faisait la force du film de Lustig. On est plus proche de l'exercice de style narratif raté que du film d'horreur expérimental annoncé. Comme quoi les bonnes intentions ne font pas tout.
NOTE : 4/10