Killing Them Softly (Cogan : Killing Them Softly) de Andrew Dominik
(2012)
Après le surprenant
Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, superbe contemplation d'un genre auquel il retournait les codes pour offrir une nouvelle vision crépusculaire du western, dire que le prochain film d'Andrew Dominik était attendu relève de l'euphémisme, tant on était en droit d'attendre la confirmation d'un grand réalisateur. Et pourtant, à la vision de ce
Killing Them Softly, difficile de savoir si on est réellement en train de regarder le film que souhaitait montrer Dominik, d'autant que la production a été quelque peu chamboulée, avec les échos d'une version complète du film atteignant presque les trois heures. Le résultat final laisse peu de place au doute,
Killing Them Softly souffre de ces fameuses coupures (de là à dire que c'est encore une fois la faute des Weinstein, il n'y a qu'un pas à franchir), quelques acteurs ont étés purement et simplement supprimés de l'intrigue (nulle trace de Garret Dillahunt) et c'est au final le scénario complet du film qui devient véritablement bancal. Personnages sans aucune profondeur, figures sans âmes que le spectateur est obligé de suivre durant une heure et demie qui donne l'impression d'être doublée, intrigue minimaliste et martèlement incessant d'un soi-disant sous-texte politique, le troisième film de Dominik se révèle réellement pénible à suivre, au point que l'on en vient à se demander si la version longue aurait amélioré l’œuvre ou tout simplement rendu le tout encore plus long et difficilement supportable.
C'est d'autant plus dommage que, sur le plan formel, Dominik signe une nouvelle fois des plans de toute beauté, magnifiées par une photographie somptueuse et une volonté de chambouler les codes du film de gangster en filmant des séquences types d'une manière totalement inédite. Passage à tabac en plan-séquence, braquage presque muet, règlement de compte au ralenti typé bullet-time, force est de constater que le film ne manque pas de culot (le générique d'introduction est génial), et même si cette volonté n'est pas forcément toujours justifiée (le troisième exemple fait plus gadget qu'autre chose) elle a tout de même le mérite d'apporter les séquences les plus mémorables du métrage. Sur le fond, le film se veut plus intelligent qu'il n'en à l'air mais tombe lourdement dans le manque grossier de subtilité, avec un sous-texte sur la crise économique et la première campagne de présidence de Barack Obama qui est rabâché à longueur de film. Seules les cinq dernières minutes trouveront l'état de grâce qui montre ce qu'aurait du être la totalité du métrage, à savoir un film au propos intéressant et marquant. Enfin, le casting, malgré sa grande forme, se révèle hélas assez anecdotique puisque même les meilleures performances du monde ne sauront jamais réparer l'absence de profondeur d'un personnage. Et là encore, c'est d'autant plus dommage que chacune des apparitions de Brad Pitt et Gandolfini sont soignées, et que Ray Liotta étonne dans un rôle auquel il ne nous a pas habitué.
Killing Them Softly, un film aux qualités indéniables et au potentiel énorme, mais rapidement rattrapé par un rythme lancinant et un scénario peu captivant. Difficile de savoir à qui est la faute, on le saurait probablement à la vue de la version longue, mais force est de constater qu'on ne la verra probablement jamais.
NOTE : 5,5/10